Rechercher
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

3 juillet 2020

RD Congo – Fin de la dixième épidémie d’Ebola : des leçons à retenir

Alors que la République démocratique du Congo a officialisé, le 25 juin 2020, la fin de l’épidémie à virus Ebola dans l’est du pays, les populations doivent faire face à une nouvelle flambée dans la province de l’Équateur, ainsi qu’à la pandémie mondiale du COVID-19. Au sein des structures de santé mises en place par ALIMA depuis 2018 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, soignants et communautés organisent la riposte.

Le personnel soignant d’ALIMA au chevet d’une patiente hospitalisée dans le Centre de Traitement Ebola de Mambasa en décembre 2019. © ALIMA / Olivier PapegniesLe personnel soignant d’ALIMA au chevet d’une patiente hospitalisée dans le Centre de Traitement Ebola de Mambasa en décembre 2019. © ALIMA / Olivier Papegnies

22 mois d’épidémie, 2 287 décès sur les 3 470 cas confirmés. Un bilan lourd pour l’une des plus graves épidémies d’Ebola de l’histoire en République démocratique du Congo (RDC). Depuis le 25 juin, et malgré l’annonce d’une nouvelle flambée de maladie à virus Ebola à Mbandaka (province de l’Equateur), le pays vit avec soulagement la fin officielle de la dixième flambée dans l’est du pays.

C’est le fruit d’un travail sans relâche de la part des autorités sanitaires congolaises et de leurs partenaires, dont ALIMA (The Alliance for International Medical Action). Depuis le début de l’épidémie en août 2018 dans l’est du pays, ils se sont mobilisés ensemble pour en venir à bout.

L’innovation pour des progrès considérables

Plus de 25 % des cas confirmés ont été pris en charge par ALIMA dans trois centres de traitement du Nord-Kivu et de l’Ituri. Dans ces centres, le taux de létalité avoisinait les 40 %, voire 17,2 % à Mambasa, contre 50 à 90 % auparavant. Ces progrès considérables ont été possibles grâce à une expertise acquise au cours des épisodes infectieux précédents, comme lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (2013-2016), où ALIMA était déjà très mobilisée.

© ALIMA / Olivier Papegnies

ALIMA a largement contribué à l’amélioration de la prise en charge des patients Ebola  grâce à ses projets de recherche. Son innovation phare, les Chambres d’Urgence Biosécurisée pour les Épidémies (CUBE), a profondément transformé la médecine humanitaire. Grâce à un plateau technique médical amélioré – notamment doté de moniteurs de réanimation connectés par wifi et bluetooth -, ces CUBEs offrent la possibilité de pratiquer des soins intensifs de qualité, tout en assurant la sécurité du personnel soignant. Grâce aux 26 CUBEs déployées dans l’ensemble du pays, une surveillance plus réactive des patients et des soins invasifs ont pu être assurés sans passer par une laborieuse phase d’équipement en combinaison.

Une fois stabilisés, les patients isolés dans des chambres individuelles pouvaient recevoir les visites de leurs familles grâce à une vitre en plexiglas. Cette nouvelle organisation a pu contribuer au rétablissement des personnes malades et à la restauration des liens avec les communautés. 

dans les centres de traitement ALIMA (ici à Mambasa), les familles peuvent rendre visite à leurs proches et suivre l'évolution de leur santé tout au long de leur hospitalisation. Cela leur permet également de se familiariser avec les gestes médicaux prodigués par le personnel soignant. © ALIMA / Olivier Papegnies

En toute transparence : dans les centres de traitement ALIMA (ici à Mambasa), les familles peuvent rendre visite à leurs proches et suivre l’évolution de leur santé tout au long de leur hospitalisation. Cela leur permet également de se familiariser avec les gestes médicaux prodigués par le personnel soignant. © ALIMA / Olivier Papegnies

ALIMA a également participé à l’essai clinique PALM, qui a permis d’identifier deux médicaments actifs contre le virus, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé, l’Institut National de Recherche Biomédicale de RD Congo, et le NIAID/NIH (Institut national des allergies et des maladies infectieuses).

Les populations intégrées dans les solutions de prise en charge

Les patients, surtout les plus jeunes, ont besoin d’être rassurés et de comprendre la nature des soins qui peuvent les sauver. Femmes et hommes de tout âge ayant survécu au pire ont ainsi été formés pour aider le personnel de santé au quotidien. Immunisées, les personnes guéries pouvaient aller au chevet des patients sans aucune tenue de haute protection afin de les informer et les soulager. Et même donner l’alerte aux soignants en cas de besoin.

Se rapprocher des populations a été l’une des grandes leçons apprises sur le terrain. Début 2019, ALIMA a décidé de décentraliser la prise en charge des cas suspects pour permettre leur accueil dans des structures (centres de transit intégrés ou  CTI) connues des communautés et gérées par des travailleurs de santé en lesquels elles ont confiance.

Le Centre de Transit Intégré de Bundji, proche de Béni, a été équipé par ALIMA pour accueillir les cas suspects d’Ebola. Doté de six chambres individuelles, il permet d’offrir les premiers soins aux patients, isolés en attendant la confirmation de leur statut et une éventuelle référence vers le centre de traitement de Béni. © ALIMA / Anne BoherLe Centre de Transit Intégré de Bundji, proche de Béni, a été équipé par ALIMA pour accueillir les cas suspects d’Ebola. Doté de six chambres individuelles, il permet d’offrir les premiers soins aux patients, isolés en attendant la confirmation de leur statut et une éventuelle référence vers le centre de traitement de Béni. © ALIMA / Anne Boher

Sept centres de transit intégrés ont ainsi été mis en place par ALIMA dans ses zones d’intervention, puis remis aux autorités sanitaires et villageoises locales. La surveillance y est généralisée, la prévention et le contrôle de l’infection renforcés.

Retenir les leçons, se resservir des innovations

L’est de la RDC n’était pas encore débarrassé d’Ebola que la région de l’Équateur, mille kilomètres à l’ouest, annonçait la onzième épidémie dans le pays. Les innovations et les leçons apprises ces deux dernières années en Ituri et au Nord-Kivu doivent absolument servir pour définitivement transformer les réponses aux épidémies d’Ebola. 

Il s’agit de décentraliser et de faciliter la prise en charge grâce aux centres de transit intégrés. Dans cette logique, les deux traitements médicamenteux contre Ebola doivent être disponibles immédiatement pour une administration rapide et des soins standards optimisés garantis. Si ces conditions sont réunies, il n’y aura plus de raison de mourir d’Ebola. Enfin, nous devons nous assurer que l’ensemble de la population exposée au virus ait accès à la vaccination qui a donné des preuves suffisantes lors de son utilisation à l’est de la RDC. 

ALIMA répond actuellement à l’épidémie en Équateur, au travers d’un système de surveillance des cas et de la mise en place d’un centre de transit intégré dans l’hôpital Général de Mbandaka.

Lutter contre le COVID-19 en appuyant le Ministère de la Santé et en accompagnant les communautés 

Ces leçons, elles sont aussi valables pour lutter contre la pandémie du COVID-19. Le 30 juin dernier, 7 121 cas de COVID-19 étaient confirmés en RDC, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, dont 1 785 guéris et 175 personnes décédées. Forte de son expérience dans la gestion des épidémies sur le territoire, ALIMA a commencé à appuyer le Ministère de la Santé depuis le début du mois d’avril 2020 dans la gestion de la prise en charge du COVID-19. Avec la fin de l’épidémie d’Ebola à l’est du pays, les structures dédiées à la prise en charge d’Ebola sont devenues essentielles dans la lutte contre le virus du COVID-19. 

A Beni (Nord-Kivu), tout en continuant à soutenir des activités de santé primaire, nos équipes sont mobilisées pour lutter contre le COVID-19, en installant par exemple 10 lits dans l’Hôpital général régional de Beni. 

ALIMA intervient aussi dans les cliniques universitaires de Kinshasa, la capitale du pays concentrant à elle seule 90 % des cas de COVID-19 (6 274 cas confirmés au 30 juin).  Depuis l’ouverture du Centre de traitement COVID-19 de Kinshasa, ALIMA a pris en charge 227 patients.

Des dizaines de prestataires de santé, infirmiers, médecins, pédiatres, matrones et d’ingénieurs spécialisés dans l’eau et l’assainissement, bénéficient également de formations pour renforcer leur capacité dans ce contexte du COVID-19. 790 agents de santé ont d’ores-et-déjà bénéficié de sessions de formation spécialisées dans la gestion de cette pandémie.

ALIMA est présente en RDC depuis 2011. Son expérience est reconnue dans la gestion d’Ebola et sa connaissance du pays lui permet de s’inscrire durablement dans le paysage médical. 

Les projets ALIMA dans le cadre de la lutte contre l’épidémie d’Ebola au Nord-Kivu et en Ituri bénéficient du généreux soutien de USAID/OFDA et de la Fondation Paul G. Allen.
Les projets ALIMA dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 en RDC sont soutenus par l’AFD (Agence Française de Développement), la Fondation Bill et Melinda Gates, RTSL (Resolve to Save Lives)/Vital Strategies, la Fondation Skoll, le Fonds Humanitaire d’Urgence (FHU).
A Béni, nos projets de soins de santé primaire sont soutenus par ECHO. 

Pour plus d’informations sur la CUBE et la recherche ALIMA : 

https://www.alima-ngo.org/fr/ebola-essai-clinique-randomise-republique-democratique-du-congo-the-new-england-journal-of-medicine

The Lancet : The evolution of supportive care for Ebola virus disease, par Dr Richard Kojan, ALIMA

The New England Journal of Medicine : Shifting the Paradigm — Applying Universal Standards of Care to Ebola Virus Disease, par Dr Richard Kojan, ALIMA 

Photo de couverture : © Jennifer Lazuta / ALIMA

Actualités liées