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18 septembre 2023

En Guinée, lutter contre la mort silencieuse des femmes à l’accouchement

Dans ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest, les structures sanitaires ont été largement affaiblies par la grande épidémie d’Ebola en 2014, les femmes enceintes sont souvent livrées à elles-mêmes, peu suivies et mal informées. Rencontre avec Oussaïna, une femme enceinte de 36 semaines originaire de Sinta, une ville située à l’ouest du pays, à plus de 200 kilomètres de Conakry, la capitale.

On l’entend battre à toute allure. Le cœur du bébé d’Oussaïna bat à rythme effréné, un rythme normal pour un enfant dans le ventre de sa maman. Elle a hâte. Plus que quatre ou cinq semaines tout au plus avant de découvrir son nouveau-né. Fatoumata, la sage-femme qui l’accompagne, vient de terminer sa quatrième consultation prénatale (CPN), la dernière avant l’accouchement.

Assise dans la salle de consultation du centre de santé de Sinta, la jeune femme de 25 ans écoute attentivement. Ce qui l’attend, elle le connaît par cœur, elle a déjà accouché de trois autres enfants, tous en parfaite santé. Mais elle le sait, dans son pays, c’est une chance.

 

Sage femme en Guinée
Au centre de santé de Sinta, Fatoumata effectue la dernière consultation prénatale d’Oussaïna avant son accouchement. Guinée, juin 2023. © ALIMA

 

Un taux de mortalité maternelle très élevé en Guinée

En Guinée, selon les dernières données de la Banque mondiale datant de 2020, 553 femmes mouraient pour 100 000 naissances vivantes. Toute l’Afrique subsaharienne est touchée par des taux particulièrement élevés : selon l’OMS, en 2020, environ 70 % des décès maternels dans le monde étaient survenus dans la région. Cette prédominance reflète les inégalités criantes d’accès aux soins, a fortiori à des soins de qualité, dans les pays à revenu faible. En 2020, le taux de mortalité maternelle dans ces pays était de 430 pour 100 000 naissances vivantes. À titre de comparaison, il était de 12 pour 100 000 naissances vivantes dans les pays à revenu élevé.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est formelle : « les soins prodigués par des professionnels de santé qualifiés avant, pendant et après l’accouchement permettent de sauver des femmes et des nouveau-nés ».

Oussaïna, elle, l’a bien compris. A part quelques douleurs lombaires, sa grossesse s’est bien déroulée. Elle se dit confiante pour l’accouchement grâce au suivi régulier qu’elle a respecté. « Le suivi est très important, pour le bien être de mon enfant et pour mon propre bien être. Quand je viens ici, je sais qu’on va me guider s’il y a des complications », témoigne-t-elle. Avec la sage-femme, elle a parlé de son plan de naissance, de sa volonté d’accoucher par voie basse, comme elle a pu le faire lors de ses trois premiers accouchements. Fatoumata lui rappelle les signes du début du travail et le moment de rejoindre le centre de santé pour être prise en charge. Sa patiente peut rentrer tranquillement chez elle jusqu’au grand jour.

 

Manque de personnel soignant guinéen qualifié

Peu de femmes guinéennes sont si bien accompagnées. En Guinée comme dans toute la région, le personnel qualifié manque cruellement pour suivre correctement les grossesses et sensibiliser les femmes à l’importance d’être suivies. Depuis janvier 2023, ALIMA apporte son soutien au district sanitaire de Télimélé, où se situe Sinta, afin de renforcer le suivi des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés et sensibiliser les familles à la planification familiale.

 

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ALIMA soutient le centre de santé de Sinta. Guinée, juin 2023 © ALIMA

 

Mariama, sage-femme aguerrie chez ALIMA, est responsable de la qualité des soins apportés dans les différents centres de santé appuyés par le projet. Présente tout au long de la consultation d’Oussaïna, elle écoute et observe les échanges. « Fatoumata connaît très bien son travail, sait comment bien assister et rassurer ses patientes », commente-t-elle, visiblement ravie, tout en consultant le carnet de suivi de la jeune maman. Sage-femme depuis 2013 en Guinée, elle travaillait déjà dans la préfecture de Télimélé avant l’arrivée d’ALIMA. Les difficultés d’accès aux soins des futures mères, elle connaît bien.

« La préfecture de Télimélé est très grande [9 000 m2, NDLR], les villages sont éloignés parfois de plusieurs heures à moto de centres sanitaires suffisamment équipés pour assurer des suivis de grossesse de qualité. Le seul hôpital permettant de réaliser des échographies était celui de Télimélé. Et là-bas, il n’y a qu’un échographe et un seul échographiste… En plus, les familles doivent débourser au moins 50 000 Francs Guinéens pour bénéficier d’un examen échographique, en plus du coût du transport pour parvenir jusqu’à la préfecture. » Conséquence : peu de femmes ont la chance d’y avoir accès. « On faisait des CPN à l’aveuglette, c’était un calvaire », regrette Mariama.

 

Équiper en échographes et former le personnel soignant local

En 2023, ALIMA a équipé 6 centres de santé en échographes mobiles, équipement permettant d’offrir un suivi de qualité à des femmes qui n’ont pas la possibilité d’aller jusqu’à Télimélé. 52 personnes ont bénéficié d’une formation en Soins Obstétricaux et Néonatals d’Urgence de Base (SONUB) grâce à un partenariat avec l’ONG Gynécologie Sans Frontières. « Les sages-femmes ont pris confiance en elles », a remarqué Mariama. « Elles sont enjouées de pouvoir bien faire et donc beaucoup plus motivées ».
Fatoumata a d’ailleurs participé à l’une de ces formations. « Les formateurs nous ont montré comment assister un accouchement sans risques, et ce qu’il faut faire en cas de complications. Maintenant, j’ai plus confiance en moi quand je travaille. »

 

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Mariama vérifie le suivi des femmes enceintes, notamment celui d’Oussaïna, dans le centre de santé de Sinta. Guinée, juin 2023. © ALIMA

 

En parallèle, des équipes de relais communautaires sensibilisent la population à l’importance des échographies pendant les grossesses. « Ici, beaucoup de personnes pensent que l’échographie ne sert qu’à connaître le sexe de l’enfant. Or chez nous, on ne tient pas à le savoir, on préfère le découvrir à l’accouchement », précise la professionnelle. « Je rencontre des femmes heureuses d’avoir accès à un tel appareil, gratuitement en plus. Cela les pousse à revenir vers nous et à être suivi pendant toute la grossesse. Je suis rassurée pour les femmes enceintes d’ici, pour leur vie. »

Photo de couverture : © ALIMA

Guinée, juin 2023. Ce projet a reçu le soutien financier de l’Agence français de développement (AFD). Photographies : ALIMA

ALIMA est présente en Guinée depuis 2014. Les équipes y mènent des activités de recherche et répondent aux besoins sanitaires dans les régions de Conakry, Maferinya, Télimélé (santé maternelle et néonatale).

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