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20 mars 2024

Le centre de santé de référence de Bandiagara, une oasis de soins médicaux

Nous sommes à Bandiagara, en plein pays Dogon, au Mali. Cette ville au riche passé culturel, entourée de falaises, au climat sec et chaud, a été le théâtre de violences engendrées par des groupes armés qui ont entraîné une grande vague de déplacements en 2019, des zones rurales vers les villes les plus proches. Depuis, des poches de violences subsistent et fragilisent l’accès des populations à une nourriture suffisante et décente ainsi qu’à des soins de santé de qualité. Elles troublent l’accès aux communautés vulnérables et mettent en péril leurs moyens de subsistance. Ces attaques compliquent par la même occasion le travail des acteurs humanitaires sur le terrain. Le consortium Alliance Médicale Contre le Paludisme–Santé Population (AMCP-SP)/ALIMA, présente dans la zone depuis 2021, s’attache à ces deux piliers, en appuyant le partenaire local, le centre de santé de référence (CSREF) de Bandiagara. Cet hôpital joue un rôle crucial dans la dispensation de soins de santé de qualité à une population d’environ 475 000 habitants.


Visite guidée à l’hôpital de Bandiagara au Mali


Le CSREF a été construit en 1992. Il s’est agrandi au fil des années, en même temps que la ville. Ce qui explique la disposition aléatoire des bâtiments, assez éloignés les uns des autres. Ce matin venteux de février, le centre est très calme. Quelques groupes sont agglutinés sur les devantures des services épars. Des infirmiers passent çà et là, masque au visage pour éviter la poussière que le vent charrie à cette période de l’année. Nous entamons notre visite avec le Docteur Mahamadou, Médecin Référent à ALIMA à Bandiagara, au Mali, depuis une année.

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© Alioune NDIAYE / ALIMA

A mesure qu’on avance, de nombreuses personnes viennent le saluer. Il distribue des sourires et des poignées de main. Il pose le tableau : « ici, nous mettons en œuvre un projet de prise en charge santé, nutrition, chirurgie et psychosociale gratuite. Nous intervenons dans trois unités du CSREF de Bandiagara : pédiatrie, nutrition et unité de récupération nutritionnelle Intensive (URENI) et la chirurgie. »


La malnutrition à Bandiagara, un fléau contre lequel ALIMA lutte


Nous allons à la rencontre du Docteur Niambélé, médecin en charge de l’URENI. Lorsque nous arrivons, il reçoit une petite fille. Les yeux à mi-ouverts, elle est drapée d’une couverture chauffante dorée. Une main maigre s’en échappe. Elle va directement en salle d’urgence, accompagnée de son père, Nouhoum.
Ce dernier, l’air triste, raconte : « ma fille a été admise en urgence pour cause de malnutrition. A peine âgée d’un mois, sa mère est décédée. Sa grand-mère a alors commencé à s’occuper d’elle. Comme nous n’avons pas les moyens, elle est nourrie au lait de chèvre. Depuis un mois, elle souffre d’une diarrhée persistante qui s’est aggravée il y a quelques jours. »

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© Alioune NDIAYE / ALIMA


Le Docteur Niambélé continue sur l’offre de soins aux enfants malnutris : « la plupart des enfants souffrant de malnutrition aigüe modérée (MAM) restent généralement une semaine, pour les cas les plus sévères (Malnutrition aigüe sévère), ils peuvent rester jusqu’à 10 jours ou plus. Après une hospitalisation, il y a toujours un suivi des enfants dans les centres communautaires. »
Nouhoum rentre dans la salle d’hospitalisation avec la grand-mère. Celle-ci ne quitte pas le bébé du regard, comme pour éloigner le spectre de la mort. Le père poursuit : « lorsque j’ai entendu parler de soins gratuits à l’hôpital, je me suis décidé à y emmener mon bébé. Je suis très inquiet. Je confie ma fille aux mains des médecins. »


En 2023, 173 enfants ont été admis à l’URENI. Six n’en sont pas sortis. 7196 enfants de moins de 5 ans et femmes enceintes et allaitantes ont été pris en charge dans le centre de santé communautaire de Bandiagara de septembre 2023 à nos jours. En dehors du CSREF, ALIMA appuie également cinq Centres de Santé Communautaires (CSCOM) dans la gratuité ciblée, la prise en charge des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes et grâce à ALIMA, l’accès aux soins de santé de qualité s’est amélioré, ce qui a contribué à réduire la morbidité et la mortalité maternelle et infantile à Bandiagara.


Les enfants au cœur de l’appui d’ALIMA à Bandiagara


A côté de la malnutrition, les enfants viennent également consulter au service pédiatrie. Nous quittons l’URENI pour aller en pédiatrie, avec le Docteur Bakary, Médecin Major qui nous présente son activité : « 80 pour cent des diagnostics en pédiatrie concernent le paludisme. Les deux formes de paludisme qui nécessitent une hospitalisation sont la forme anémique et la forme neurologique. A la pédiatrie, ALIMA octroie une prise en charge totale pour les enfants ayant moins de cinq ans. »

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© Alioune NDIAYE / ALIMA

Dans la grande salle d’hospitalisation, des patients alités et leurs accompagnants. Le service est assez calme. Quelques bruits de pas, des conversations dont le niveau sonore ne dérange personne, quelques scooters qui vont et viennent. Sur un des lits, un enfant guéri du neuro-paludisme attend sa sortie et un autre, Moussokoro, mange du pain et du lait. Sa mère, Bolko, assise sur le même lit, la couve du regard. Cette dernière, atteinte de neuro-paludisme, revient de loin : « je veille sur Moussoukoro depuis quatre jours. Elle faisait de la fièvre et frissonnait, c’est la raison pour laquelle je l’ai amenée à l’hôpital où elle a été diagnostiquée du paludisme. Lorsque nous sommes arrivées, elle a été hospitalisée immédiatement. Ici la prise en charge est gratuite, de même que les médicaments et le repas. »


De la méconnaissance à l’acceptation de la chirurgie


Outre la malnutrition et la pédiatrie, la chirurgie est un axe central de l’appui d’ALIMA. Si elle est entrée « dans les mœurs » à Bandiagara, il n’en a pas toujours été ainsi. Selon Docteur Traoré, en charge du service chirurgie, « beaucoup (de personnes) ne croient pas à la médecine occidentale. Pour donner un exemple, pour une fracture, certaines personnes préfèrent consulter un guérisseur plutôt que d’aller voir un médecin. »

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© Alioune NDIAYE / ALIMA


Pour autant, cela n’empêche pas qu’il réalise « un minimum de 10 opérations chirurgicales par mois. » Ce que confirme Mahamadou, le médecin référent : « depuis août 2023, date à laquelle la nouvelle phase du projet a démarré, jusqu’à maintenant, nous avons pris en charge 880 personnes – 400 à la pédiatrie et l’URENI, et 480 à la chirurgie. Cette dernière prise en charge est très pertinente car elle arrange énormément de personnes. Avec la recrudescence des conflits communautaires, nous recevons beaucoup de blessés par balles. »


Des médicaments gratuits au Mali, une promesse tenue


Le CSREF abrite aussi un laboratoire d’analyses médicales, et une pharmacie de gratuité pour les patients pris en charge par ALIMA.
Un appui tel que celui apporté par ALIMA est vital pour une meilleure prise en charge des malades. En effet, grâce à l’ONG, le CSREF de Bandiagara est passé de 4 à 7 médecins. Cette hausse du nombre du personnel soignant permet à l’hôpital de prendre en charge plus de malades et de proposer des médicaments gratuitement.
Julien, en charge de la pharmacie : « depuis notre arrivée, nous avons le même retour des communautés : le dépôt de vente est un soulagement pour elles. Acheter des médicaments demande des moyens, cela peut coûter parfois même plus cher que la consultation. Nous sommes la première ONG à proposer la gratuité des médicaments à Bandiagara. »

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© Alioune NDIAYE / ALIMA

A l’ombre d’un arbre, dans un coin de la vaste cour de l’hôpital, Moussa, responsable des soins nous fait part de son expérience. Il est à Bandiagara depuis 2021, « à une période où personne ne voulait y être ». Il poursuit : « notre présence a permis de sauver beaucoup de personnes, des accidentés de la route, des victimes des violences armées, des enfants souffrant de malnutrition, etc. Nos équipes sont très appréciées par la communauté, car notre approche est très pragmatique. Nous tenons nos promesses. »
Le Centre de Santé de Référence de Bandiagara joue un rôle vital dans la fourniture de soins de santé à une population rurale défavorisée, dans une zone minée par des violences persistantes. C’est une oasis de soins pour les populations locales et les déplacés internes qui offre des services médicaux essentiels à ceux qui en ont le plus besoin.

Photo de couverture © Alioune NDIAYE / ALIMA

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