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13 septembre 2016

« Pouvez-vous imaginer être incapable de nourrir votre enfant ? »

Témoignage sur le Nord-Est du Nigéria par Dr Gbané, coordinateur d’urgence pour ALIMA.

Au mois de juin, sur invitation de l’équipe de Santé Publique de Monguno, ALIMA a vacciné 18800 enfants contre la rougeole en moins d’une semaine dans la ville de Monguno, dans l’état de Borno, dans le Nord-Est du Nigéria. Il y a des milliers de déplacés à Monguno, qui vivent dans des petites huttes dans lesquelles l’eau de pluie s’infiltre. Ils ont accès à très peu de latrines et pas assez de nourriture. Les membres de l’équipe ALIMA étaient choqués par ce qu’ils ont vu quand ils sont arrivés – des enfants très malnutris, sans aucun accès à des soins de santé.

« Les membres de l’équipe ALIMA étaient choqués par ce qu’ils ont vu »

Nous avons immédiatement commencé à dépister et traiter les enfants, et nous avons découvert qu’un nombre important d’entre eux souffraient de malnutrition aiguë – un chiffre bien au-delà du seuil d’urgence. Nous avons rapidement réalisé que nous étions au milieu d’une urgence humanitaire et qu’ALIMA devait rester. Les besoins étaient énormes.

 

En Juillet, nous avons envoyé une équipe médicale expérimentée avec des membres originaires d’Afrique de l’Ouest pour évaluer la sécurité et augmenter les opérations à Monguno. Beaucoup de nos membres internationaux viennent du Niger, de Centrafrique ou du Cameroun et parlent les langues locales de cette partie du Nigéria. Je crois que ça nous a permis de comprendre rapidement le contexte et les problèmes de sécurité et de nous mettre au travail.

 

ALIMA fournit maintenant des soins médicaux et nutritionnels dans des cliniques à Monguno dans quatre des plus grands camps ainsi que dans l’hôpital de la mère et de l’enfant (mother and child hospital). A notre arrivée, cet hôpital était fermé et très sale. Nous l’avons ré-ouvert et avons installé des latrines et des lits afin de mettre en place un petit centre de stabilisation hospitalier pour les enfants qui sont vraiment malades.

 

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En complément, nous avons monté des cliniques mobiles pour fournir des soins ambulatoires dans les camps plus petits, pour atteindre plus de patients dans le besoin, notamment les personnes qui ne vivent pas dans les camps et les communautés hôtes. Il est important de rappeler que les populations locales n’ont pas d’accès aux soins non plus, donc nous les soignons aussi. Nous voyons surtout des enfants souffrant de malnutrition, de rougeole, des diarrhées et des infections respiratoires. Nous nous concentrons sur les enfants de moins de cinq ans car ils sont les plus vulnérables et susceptibles de mourir s’ils n’ont pas de traitement.

 

Mi-août, quand j’étais à Monguno avec notre équipe d’urgence, nous avons inscrit plus de 2600 enfants dans notre programme de traitement de la malnutrition aiguë sévère et soigné près de 1900 enfants atteints de rougeole en moins de quatre semaines. Sur chaque site, chaque équipe consulte environ 200 enfants par jour.

 

« Pouvez-vous imaginer être un parent dans cette situation, incapable de trouver de la nourriture pour votre enfant ? »

La nourriture est rare, et les personnes ne sont pas autorisées à quitter la ville. Bien qu’ils soient cultivateurs et que nous soyons en saison des pluies, ils ne peuvent pas accéder à leurs champs. A la place, ils attendent qu’on leur distribue de la nourriture plutôt que de la cultiver eux-mêmes. Pouvez-vous imaginer être un parent dans cette situation, incapable de trouver de la nourriture pour votre enfant ?

 

Une femme m’a particulièrement marqué. Elle avait entre 35 et 40 ans, mais avait l’air bien plus vieille à cause de toute la souffrance qu’elle avait endurée. Je l’ai rencontrée dans une hutte étroite avec un toit de paille qui ne la protégeait pas de la pluie. Enroulée dans une couverture sale, elle était blessée à la poitrine et toussait. A côté d’elle, un enfant d’environ deux ans souffrait visiblement d’une conjonctivite et de la rougeole. Tout ce qu’ils avaient à manger, c’est quelques grains de riz et de l’huile. Tous deux étaient très malades, et il était clair que si nous ne leur donnions pas à manger, ils allaient mourir très prochainement.

 

L’épidémie de rougeole est vraiment inquiétante, parce que je sais qu’elle va nous conduire à encore plus d’enfants sévèrement malnutris ou mourants. La diarrhée – qui affecte autant les adultes que les enfants – est tout aussi préoccupante, parce qu’elle indique un manque d’eau potable. L’eau sale peut conduire au choléra, et avec tant de personnes vulnérables et en mauvaise santé, une épidémie serait une catastrophe.

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Selon moi, notre priorité à Monguno doit être une campagne de vaccination afin de vraiment surmonter l’épidémie de rougeole. Idéalement nous devrions vacciner tous les enfants de six mois à 10 ans, mais il nous faudrait environ 30000 vaccins. Nous avons déjà mis en place la chaine de froid – les générateurs et les réfrigérateurs – et nous avons commandé des vaccins.

 

Il est tout aussi important de donner un accès aux soins de santé à tous. A cet effet, nous avons mis en place une clinique mobile, qui se déplacera dans quatre lieux sur le district.

 

Une autre priorité est de traiter les nombreux enfants de la région qui souffrent de malnutrition modérée. Si nous n’établissions pas vite des distributions de rations de protection, ces enfants deviendront sévèrement malnutris, et attraperont des maladies comme la rougeole.

 

« Je suis inquiet à l’idée d’une épidémie de choléra »

Et pour finir il y a le problème sanitaire. Le manque de latrines signifie que la consommation de l’eau devient dangereuse. Avec la saison sèche qui commence, je suis inquiet à l’idée d’une épidémie de choléra. Donc nous avons réellement besoin d’installer plus de latrines pour les déplacés de Monguno.

 

Le manque d’abris est un autre gros problème. Les fortes pluies ont déjà commencé, et beaucoup de personnes ici n’ont pas d’abris – pas même une couverture. Pour nous, pas de protection contre la pluie signifie plus de personnes avec des infections respiratoires.

 

Quand j’étais à Monguno, les gens m’ont dit à quel point le travail d’ALIMA comptait pour eux. Ils ont apprécié que nous ayons commencé à traiter des patients dès notre arrivée dans la ville.

 

Mais nous ne pouvons pas traiter tous ceux qui ont besoin de soins sans davantage de ressources. La nuit, dans mon lit, quand j’écoute la pluie qui tombe sur le vrai toit que j’ai au-dessus de ma tête, je songe à la femme et l’enfant que j’ai rencontrés dans cette hutte froide et humide, et à tous les autres qui souffrent dans ces conditions terribles, et je fais le souhait de pouvoir tous les aider.

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