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11 novembre 2019

Rencontre avec l’actuel Directeur Général d’ALIMA, Augustin Augier

Augustin Augier, ancien secrétaire général de l’Association ALIMA (The Alliance for International Medical Action) est le Directeur Général de cette alliance médicale africaine depuis janvier 2019. Nommé par le Conseil d’Administration, il fait également partie des membres fondateurs de cette ONG. C’est donc un homme très avisé qui prend les rênes de l’organisation dont l’objectif premier est “le patient d’abord”. Dans un contexte où les crises humanitaires s’enchaînent, nous avons discuté avec Augustin de son nouveau rôle et de sa volonté d’être proactif quant à la capacité de l’organisation à mieux relever les défis de demain.

Quel est votre état d’esprit face à cette nouvelle responsabilité ?

ALIMA présente un nouveau modèle d’organisation humanitaire, basé sur les capacités locales, le partenariat et la recherche médicale. Cela nous donne de grandes responsabilités vis-à-vis des populations qu’on soigne, du personnel qui est sur le terrain et de l’ensemble de la communauté humanitaire. Notre ambition est de faire évoluer les pratiques médicales et humanitaires.

Quelles sont les grandes lignes de vos actions ?

Avec nos équipes de terrain et nos partenaires, nous allons mettre en œuvre la charte d’ALIMA dont le premier principe est le « patient d’abord ». Notre devoir, notre action, est d’arriver à prendre en charge médicalement les patients qui souffrent et meurent de pathologies évitables, qui ailleurs dans le monde, peuvent facilement être prévenues et soignées. Pour atteindre ce but, la clé est le personnel d’ALIMA : les équipes de coordination et le personnel des sièges. Nous invitons les meilleurs professionnels de l’humanitaire partageant cette vision à nous rejoindre.

Dans ses différentes interventions sur la réponse aux épidémies (fièvre Lassa au Nigéria, Ebola en RDC), la lutte contre la malnutrition, ALIMA fait face à plusieurs enjeux. Parmi tous ces sujets urgents, y a-t-il un ordre de priorité ?

Notre vraie priorité réside dans la prise en charge correcte de tous nos patients. En 2018, ils étaient 1,1 million et tous méritent les meilleurs soins possibles. Que ce soit des patients pédiatriques atteints de malnutrition traités en ambulatoire ou hospitalisés, ou des victimes d’épidémie, comme c’est le cas actuellement avec Ebola en République démocratique du Congo. Notre action n’est pas motivée par des intérêts politiques, économiques ou médiatiques. Par exemple, les médias parlent davantage d’Ebola que de la crise que subissent les populations au Sahel ou autour du lac Tchad. Notre devoir, c’est que notre agenda soit fixé par le besoin des populations, et ainsi de faire vivre le principe d’impartialité. Nos priorités sont fixées par les besoins de la population et non pas par d’autres intérêts.

Parlant du Sahel, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée. ALIMA intervient dans les cinq pays de cette zone à savoir : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Quelles sont les difficultés que rencontre l’organisation et quelles sont les pistes de solutions possibles selon vous ?

Depuis sa création en 2009, ALIMA est très présente dans l’ensemble des pays du Sahel, qui font face à de nombreuses difficultés (l’extrême pauvreté, l’insécurité alimentaire, le manque d’accès aux soins,…). Ces difficultés s’accentuent actuellement de manière structurelle avec les changements climatiques et aussi de façon conjoncturelle, en particulier avec les conflits (interethniques et la présence de groupes armés) qui ont lieu dans la zone. De ce fait, les difficultés subies par les populations s’accumulent.

Pour nous, il y a deux principaux défis : le premier est de faire face à une situation sécuritaire qui se dégrade notamment au Mali, au Burkina et Niger. C’est pour cette raison qu’ALIMA a développé le Rapid Response Mechanism (RRM), un mécanisme de  projet multinational et transfrontalier pour répondre aux besoins sanitaires urgents des personnes déplacées et des populations hôtes vulnérables touchées par les crises humanitaires. Nous rappelons que les ONG sont protégées par le droit international humanitaire et qu’elles agissent de façon impartiale avec neutralité et indépendance, sans partie pris.

Le second défi réside dans les moyens financiers, parce que les besoins dans les pays du Sahel sont largement supérieurs aux moyens qui sont alloués par les bailleurs internationaux. Aujourd’hui, les Nations-Unies estiment que moins de 50% des besoins humanitaires au Sahel ont été financés pour l’année 2019. Il faut arriver à mobiliser plus de ressources financières pour qu’on puisse déployer les projets médicaux afin de répondre aux besoins des populations.

La recherche, l’innovation et surtout l’alliance avec les organisations locales constituent les marques distinctives d’ALIMA. Quels sont les défis que vous vous apprêtez à relever ?

Pour conserver et renforcer notre modèle d’agilité et de qualité médicale, la clé se trouve  dans les professionnels cadres d’ALIMA aujourd’hui. Nous voulons également attirer de nouveaux cadres qui ont envie d’un modèle plus flexible. ALIMA a été construit grâce à cette volonté, et c’est ce qui nous permettra de rester nous-même, d’arriver à ce que chacun des professionnels qui arrivent avec des envies d’innovation, de créativité et un engagement fort, puisse trouver sa place, afin que nous construisions ensemble des parcours.

2009 – 2019 : ALIMA a 10 ans cette année. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette aventure ?

Beaucoup de souvenirs… Des souvenirs de patients, de projets… Je retiens le parcours individuel des professionnels chez ALIMA. Ceux qui sont venus et sont repartis, et d’autres qui sont restés depuis le début. Aujourd’hui, la très grande majorité des professionnels cadres de l’organisation sont africains, issus de nos pays d’intervention. Par exemple, certains ont commencé comme médecins traitants, puis médecins référents, ensuite coordonnateurs médical, chef de mission, etc. Ce sont ces évolutions individuelles des cadres humanitaires africains qui m’impressionnent. Désormais, ALIMA leur appartient pleinement.

Après une décennie, quelles sont les nouvelles perspectives pour ALIMA ?  Que deviendra ALIMA dans 10 ans ou dans 20 ans ?

Année après année, il y a toujours plus de personnes qui vivent des situations de crise. On peut donc estimer que cette croissance des besoins humanitaires continuera. En même temps, on constate que l’ensemble des acteurs humanitaires ont de plus en plus du mal à accéder aux populations et à leur offrir des services de santé.

Pour les 10 prochaines années, mon souhait pour ALIMA est de garder ce modèle original, cette nouvelle façon d’opérer qui allie le local au partenariat et à la recherche. Cette ONG deviendra plus performante, notamment pour produire des secours médicaux pour ces populations qui deviennent de plus en plus nombreuses et qui sont aussi de plus en plus difficiles à aider.


Photo : Cora Portais / ALIMA

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