« C’est ma deuxième grossesse, mon premier enfant n’a pas survécu, c’est ce qui m’a motivée à me faire consulter ». Mariama a 20 ans. Elle est allongée dans la salle d’échographie du centre de santé de Sarekaly, l’un des six centres équipés d’échographes mobiles par ALIMA depuis août 2023. « On m’a informée de l’existence de l’échographe au centre de santé de Sarekaly et je n’en ai jamais bénéficié avant. »
« Pour ma première grossesse, j’avais pris le carnet de suivi de grossesse au centre de santé », raconte-t-elle. Après avoir reçu son carnet, Mariama ne reviendra finalement pas au centre de santé pour les consultations prénatales (CPN) suivantes, obligatoires selon le protocole de l’Organisation mondiale de la Santé. En 2022, seulement 53 % des femmes de la zone couverte par le projet avaient réalisé les 4 CPN indispensables pour un suivi adapté et éviter nombre de décès et de complications de grossesse.
© Alexandre Bonneau – AFROTO / ALIMA
L’échographe mobile pour aller soigner jusqu’au dernier kilomètre
« C’est à domicile que j’ai accouché, avec l’aide de ma belle-mère. »
Mettre au monde à la maison, sans assistance médicale, c’est le lot de la plupart des femmes en Guinée, en particulier dans cette région enclavée et montagneuse, où l’accès aux soins est, au mieux difficile, au pire impossible.
« Le défi majeur que nous rencontrons aujourd’hui, c’est d’apporter les soins de santé auprès des populations les plus enclavées, derrière les montagnes et derrière le fleuve », explique le Dr Sékou Camara, directeur préfectoral de santé de Télimélé.
Et pour cause, « la superficie de la préfecture est de 9 000 km2 et la population de Télimélé est très dispersée. Certaines sous-préfectures sont situées à 215 km, beaucoup de femmes y vivent. On n’a qu’un seul hôpital préfectoral et on n’avait qu’un seul échographe au niveau de cet hôpital », ajoute-t-il. Un unique échographe dans le seul hôpital, situé en plus à l’extrême est de la préfecture…
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Avant qu’ALIMA n’installe des échographes mobiles et ne forme et supervise les sages-femmes et agents de santé à leur utilisation, l’échographie était réservée à une très petite minorité des femmes, qui pouvaient se rendre jusqu’à l’hôpital et en plus, avaient les moyens de payer 50 000 Francs Guinéens (5 euros) pour une échographie, quand le salaire moyen avoisine les 480 000 Francs Guinéens (à peine 50 euros).
Conséquence : ici, 686 femmes sur 100 000 naissances meurent en couche contre 550 sur 100 000 au niveau national (selon le service national d’information sanitaire). Pour comparaison, au niveau mondial, il était de 223 pour 100 000 naissances vivantes.
En 9 mois de projets, des résultats plus qu’encourageants
Le problème est souvent que les femmes ne font pas le suivi jusqu’au bout et accouchent chez elles, exactement comme Mariama. L’échographe mobile, accessible au niveau de plusieurs villages, a eu ce pouvoir d’attirer les femmes du début à la fin de leur grossesse.
« Depuis le début du projet, les indicateurs ont évolué très positivement », observe le Dr Guilavogui Yassa, médecin référent chez ALIMA. « On a observé que 68 % des femmes vont jusqu’à la CPN 4, la dernière avant l’accouchement, alors qu’elles n’étaient que 53 % en 2022. » Le taux d’accouchements assistés a même augmenté de 10 % en un an, passant de 45 à 55 %.
« En 9 mois, presque 1300 femmes ont pu être bien suivies pendant leur grossesse grâce aux échographes mobiles et 30 d’entre elles ont été référées à l’hôpital de Télimélé pour des complications. C’est certain que cela réduit la mortalité maternelle liée aux complications. »
La sensibilisation communautaire, clé du succès
Madjou, Moussa, Aissatou, Mamadou, Mariama, Fatoumata… sont des noms de cette innovation. Relais communautaires, accoucheuses villageoises, maris modèles, c’est aussi grâce à eux que les chiffres évoluent si vite dans le bon sens. Formé(e)s à la sensibilisation de leurs communautés, hommes et femmes de leur entourage, ils organisent des rassemblements en communauté et profitent de chaque fête de famille, de village ou religieuse, pour porter des messages de santé.
« Pendant les séances de sensibilisation, les messages véhiculés tournent autour des thématiques spécifiques : l’importance des CPN, les signes de danger si les femmes ne sont pas suivies, les avantages des accouchements assistés, la planification familiale, l’exercice du droit en santé sexuelle et reproductive pour les jeunes et les adolescents, etc. », explique Ismaël Diallo. Il est coordinateur de la Fédération Mounafanyi de Kindia (FMK), ONG locale partenaire d’ALIMA, dont les équipes vont jusque dans les villages les plus reculés.
© Alexandre Bonneau – AFROTO / ALIMA
C’est d’ailleurs lors de l’une de ces séances de sensibilisation que Mariama a été informée de la présence d’un échographe au centre de santé de Sarekaly. Et elle est venue de loin pour voir son bébé dans son ventre car dans le centre de santé de sa zone, l’échographe n’est pas encore disponible. Le besoin d’en installer dans les 9 autres centres de santé de la préfecture, voire au-delà, est urgent !
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Posted by ALIMA on Tuesday, Mai 5, 2024
Ce projet a reçu le soutien financier de l’Agence française de Développement (AFD).
Photo de couverture © Alexandre Bonneau – AFROTO / ALIMA