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19 janvier 2022

« COVID-19 : en Afrique, il faut rassurer les populations sur les bénéfices de la vaccination ».

Alors qu’une 5e vague de COVID-19 frappe de plein fouet les pays occidentaux, l’Afrique, avec un très faible niveau de vaccination, voit à son tour l’épidémie repartir à la hausse. Face au risque à venir et suite aux derniers mois écoulés, Richard Kojan, Président d’ALIMA depuis 2015 et médecin réanimateur- anesthésiste, nous donne son point de vue sur la situation sanitaire actuelle du continent. Un témoignage d’expert entre rationalité et optimisme.

« En voyant le raz-de-marée épidémique qui frappait l’Occident avec débordement dans les hôpitaux au début de 2020, ALIMA a rapidement compris que l’urgence face à la COVID-19 serait la prise en charge des patients. Notre priorité a d’abord été d’accroître la capacité de lits en soins intensifs dans nos pays d’intervention avec un apport massif en oxygène et outils de support à la ventilation et monitoring des patients. Simultanément, nous avons assuré la protection des personnels soignants à travers : l’amélioration des circuits de soins, l’apport en matériels de protection et la formation des équipes d’ALIMA et des ministères de la santé partenaires. Puis, le challenge suivant a été, d’une part, de mobiliser des financements flexibles pour aider les hôpitaux universitaires des grandes villes africaines dans lesquelles nous prenons en charge les malades lorsqu’il y avait des pics épidémiques importants. Et, d’autre part, de mobiliser des financements pour nos actions d’urgence afin d’être un plus autonomes et plus proactifs face à la crise.

La mobilisation de doses de vaccin en Afrique est un défi

L’arrivée de la vaccination a été une nouvelle étape importante. Elle a été salvatrice pour les pays du Nord qui l’ont rapidement utilisée pour sortir des confinements et soulager les structures de soins. Mais sa répartition dans le monde a été décriée dès le départ. Nous avons, en effet, constaté que la mobilisation de doses pour l’Afrique et d’autres régions pauvres du monde n’était pas une priorité. C’est pourquoi nous avons défini un axe d’intervention clair afin de gérer le peu de doses qui arrivaient: identifier les personnes les plus vulnérables et permettre une couverture vaccinale maximale auprès de ces populations à risque. Même si les gouvernements des pays où nous travaillons ont finalement ouvert la vaccination à tous ceux qui sont âgés de plus de 18 ans, pour nous, il est important de cibler prioritairement les personnes de 50 ans et plus et celles qui ont des comorbidités telles que les maladies chroniques, cardiovasculaires, métaboliques, etc. La difficulté particulière de cette stratégie en Afrique est qu’il n’y a pas de suivi médical satisfaisant pour identifier ces antécédents médicaux, donc ces pathologies sont peu prises en charge et peuvent facilement mener à des complications avec la COVID-19 y compris chez des sujets de moins de 50 ans

Rassurer et éviter la communication anxiogène

Les populations africaines se sont toujours fait vacciner face aux épidémies, donc il n’y a pas de raison que la population soit plus réticente face à ce vaccin en particulier. Mais nous pensons qu’il est très important que la médecine soit davantage attentive. Aujourd’hui, la pratique de la médecine est impactée par les machines et les progrès technologiques, on se focalise beaucoup sur la capacité de diagnostic et l’on tient de moins en moins compte de l’avis et du ressenti des patients. On laisse moins de place à la dimension humaine. Il faut davantage préserver le contact humain en étant plus attentifs, disponibles et intelligents. Après une communication difficile en début de pandémie qui a fortement contribué à la méfiance vis-à-vis des vaccins, celle-ci est devenue globalement anxiogène. C’est pourquoi, il est important que les équipes d’ALIMA et de ses partenaires locaux soient davantage disponibles et présentes sur le terrain. Il faut parvenir à rassurer les populations et à les impliquer davantage dans les stratégies de préventions et de prise en charge grâce à la mobilisation communautaire. Il faut aussi réussir à construire des messages adaptés au continent et qui tienne compte des préoccupations des populations. Si les messages sont déjà pollués à la source, comment voulez-vous qu’ils soient accepté en Afrique ? Je suis persuadé que c’est ainsi que tout ira bien. En faisant preuve d’humanité, d’intelligence et de respect. La pratique humanitaire n’a jamais été perçue comme une médecine de qualité. C’est ce que veut changer ALIMA. Nous voulons apporter des soins de qualité aux patients et leur être redevables quelle que soit leur situation. Notre volonté de transformer la pratique médicale en contexte humanitaire n’est pas qu’un slogan, c’est réellement notre manière d’agir.

Photo: ©Zigoto Tchaya Tchameni / ALIMA

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