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14 octobre 2024

Femme de terrain : Dr Binta, entre résilience et leadership humanitaire

Dr Binta, médecin guinéenne, occupe un poste rare pour une femme en expatriation. Coordonnatrice médicale adjointe pour ALIMA en République Centrafricaine, elle partage son parcours de 14 ans dans l’humanitaire, les défis de l’éloignement familial et la force des femmes dans un secteur encore largement dominé par les hommes.

Avec 14 ans d’expérience dans l’humanitaire, dont 12 chez ALIMA, Dr Binta partage son quotidien entre ses missions et l’éloignement de sa famille, restée au Niger. Malgré les nombreux défis, Dr Binta incarne la force et la résilience des femmes humanitaires. Chez ALIMA, encourager les femmes à accéder à des postes de responsabilité est une priorité, mais elles restent encore sous-représentées, notamment dans les postes ouverts à l’expatriation. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser une carrière de médecin ?

“Devenir docteur n’était pas mon premier choix. Quand j’étais petite, un de mes voisins m’avait demandé un jour ce que je voulais devenir plus tard et je me souviens avoir répondu : médecin. Depuis ce jour, il m’appelait Dr Binta. J’avais 5 choix pour pouvoir entrer à l’université après le concours d’admission. Mais mon premier choix était la Banque : finances – administration – gestion parce que je voyais tout le temps les personnes qui travaillaient à la banque toujours bien habillées et bien parfumées. Mon deuxième choix était les Géomines, mon troisième choix était la Médecine. Après l’obtention du concours, j’ai été orientée en faculté de Sciences biomédicales. En 2e année, j’ai été orientée en médecine, car j’avais réussi tous mes examens. C’est ainsi que je suis devenue médecin plus tard.”


Quel a été votre parcours professionnel ?

“Avant ALIMA, j’étais interniste. J’ai travaillé au niveau des maladies infectieuses sur la dermatologie pendant 3 ans où j’ai soutenu ma thèse de doctorat dans le service en 2010. Ensuite, j’ai été à l’Institut National des Soins Néonataux (INSE) de Conakry pour la prise en charge pédiatrique de la malnutrition, où j’ai fait 4 mois avec Médecins sans frontières au CHU (Centre Hospitalier Universitaire) de Donka à Conakry en Guinée.

Je me suis mariée après ma soutenance en 2010 et la même année, je suis partie retrouver mon mari qui était en poste à Maradi, au Niger, et y travailler également. J’ai intégré MSF Belgique à Guidam Roumdji, dans le Sud du Niger. Étant enceinte, je n’ai pu travailler que quelques mois avant d’arrêter. Après la naissance de mon bébé, j’ai eu la chance d’intégrer ALIMA dans le tout premier projet de malnutrition de l’ONG Befen à Mirriah au Niger, en 2012, en tant que médecin traitant jusqu’en 2014. De 2015 à 2016, j’ai été médecin responsable d’activités au Creni et de 2016 à 2021, médecin référent à Mirriah avant d’aller en expatriation au Tchad, et maintenant ici en Centrafrique en tant que coordinateur médical adjoint.”


Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière à ALIMA ?

“Ce qui m’a le plus marqué, c’est la solidarité. Je ne me suis jamais sentie étrangère dans les endroits où je suis passée. Que ce soit au Niger, ici en Centrafrique ou au Tchad, je me suis toujours bien entendue avec mon entourage.

Des fois, les gens trouvent que la collaboration avec les expatriés est difficile, mais je n’ai pas vécu cela. Depuis que j’ai commencé l’expatriation et même le travail avec ALIMA, j’ai vécu de bonnes relations avec les collègues. Il y a l’entraide et le soutien et c’est bien.”


Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans l’humanitaire ?

“En tant que femme, c’est surtout l’éloignement avec la famille. C’est ce qui revient le plus souvent dans mes discussions avec les femmes humanitaires. Il est vrai qu’on se dit que c’est pour la famille qu’il faut aller de l’avant, mais c’est dur pour soi-même et c’est dur pour la famille parce que les enfants grandissent.

Parfois, mes enfants m’appellent et me demandent : “Tu reviens quand ? On a besoin de ceci, tu rentres quand ? Il te reste combien de jours ?”.

En fait, c’est ce qui est difficile, mais ce sont des défis qu’il faut relever, surtout lorsqu’on veut apporter un impact positif au sein des communautés que nous servons. J’aime exercer, transmettre ce que j’ai appris, aider et consulter les malades. J’aime être en contact avec les communautés.

Travailler en tant que médecin est malgré tout difficile. Tu fais tous les efforts pour stabiliser ton patient , tu te dis qu’il va bien, c’est gagné. Mais après, on te dit que le patient est parti. C’est ça qui est plus difficile.”


En tant que femme, quels sont les défis auxquels vous faites face au quotidien ?

“Au départ, je ne le ressentais pas trop, mais depuis que j’occupe le poste de coordonnateur médical, c’est un défi permanent. Il faut tout le temps prouver que tu peux y arriver comme les hommes. Peut-être que je me fais des idées, mais j’essaie de surmonter tout cela, j’insiste afin de trouver la solution et je tente toujours de recadrer les choses pour que cela ne sorte pas du cadre du travail. En effet, en tant que manager, il faut vraiment se faire respecter pour que les choses puissent avancer.

Aussi, ma force pour surmonter cela, ce sont mes frères. J’ai grandi dans un milieu masculin ; j’étais toujours en compétition avec mon grand frère. Du coup, c’est ma motivation quand je me sens bloquée.”


Qu’est-ce qu’ALIMA fait pour faciliter le travail des femmes au sein de l’organisation ?

“ALIMA agit énormément pour promouvoir les femmes. Je mentionnerai en premier l’initiative “Fonds Individuel de Formation” (FIFI) à travers laquelle ALIMA accorde aux femmes de l’organisation un soutien financier couvrant jusqu’à 75% des frais de formation. Ce qui facilite notre montée en compétences et en connaissances. Cette initiative a pour objectif de favoriser l’accès des collaboratrices d’ALIMA à des postes de cadres, encore trop peu nombreuses au sein de l’organisation. Pour les recrutements, ALIMA fait également une promotion pour que les femmes postulent beaucoup plus aux postes à responsabilité.

Je suis très contente de travailler avec ALIMA. Cette organisation m’a vu grandir et j’ai vu grandir ALIMA, car quand j’ai commencé, il n’y avait pas beaucoup de projets, mais Dieu merci, on est dans 13 pays sur deux continents actuellement.”

Photo de couverture : © Miguel GODONOU / ALIMA

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