N’Djamena : les familles, vigies dans la lutte contre la malnutrition

Dans la lutte contre la malnutrition, les foyers sont les premiers maillons de la chaîne de soin. Outiller les familles pour qu’elles détectent rapidement les premiers signes de la malnutrition bouleverse les trajectoires de milliers d’enfants. Au cœur de la stratégie : un lien étroit entre familles, agents de santé communautaires et structures de santé. Récits croisés à N’Djamena, Tchad.

« J’ai appris à surveiller mon enfant moi-même »

Dans le quartier de Walia, à N’Djamena, Briya tient son fils de neuf mois, contre elle. « Il est tombé malade il y a une semaine. Le médecin m’a dit qu’il souffrait du paludisme et de malnutrition aiguë », confie-t-elle. La malnutrition aiguë est courante ici : en 2024, 11,4 % des enfants de la province de N’Djamena souffrait de malnutrition aiguë, dont 2,7 % de la forme la plus sévère (enquête SMART).

Ce qui a poussé Briya à emmener son fils rapidement au centre de santé, c’est sa vigilance. Elle l’a acquise ces derniers mois par les visites hebdomadaires d’agents de santé communautaires d’ALIMA et Alerte Santé, ONG tchadienne partenaire, dans le quartier.

« Grâce aux agents communautaires, j’ai appris à utiliser le bracelet PB [de mesure du périmètre brachial]. Je prends souvent la mesure de son bras. Je peux agir vite. »

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Ce bracelet coloré — vert, jaune ou rouge selon le périmètre brachial — est devenu un outil familier dans de nombreux foyers du 9ᵉ arrondissement de N’Djamena. Son utilisation au niveau du foyer est cruciale pour prévenir les formes graves, voire mortelles, de la malnutrition aiguë.

Un réseau communautaire important au service des familles

« Consolé a une santé assez fragile », raconte Miliwam, jeune femme de 29 ans. « Les femmes du quartier m’ont parlé d’ALIMA et Alerte Santé et de ses agents de santé communautaires. Je les ai rencontrés lors de l’une de leurs visites ici. Leurs conseils m’ont été vraiment utiles : sur l’hygiène, la nutrition … »

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« Demain je ferai mon maximum pour aller au centre de santé car cela fait déjà plusieurs semaines que le petit ne va pas bien. C’est peut-être de la malnutrition ou autre chose, je ne sais pas je le saurai demain. »

Comme Milliwam, Bella a pensé à conduire sa fille de 10 mois au centre de santé, après l’avoir observée pendant quelques jours :

« Avec mon mari, nous avons observé qu’elle perdait du poids parce qu’elle faisait des diarrhées. Nous avions été sensibilisés sur les signes de la malnutrition. Alors nous l’avons conduite ici, au centre de santé de Toukra. »

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Le centre de santé, lieu de traitement…

Au centre de santé, le personnel médical d’ALIMA / Alerte Santé a pris sa fille en charge, l’a auscultée, a posé un diagnostic : elle souffre de malnutrition aiguë. Bella et son bébé vont pouvoir rentrer à la maison avec le traitement, des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE). Elles devront revenir chaque semaine, pour contrôler la santé de l’enfant, et recevoir la ration d’ATPE pour la semaine suivante … jusqu’à ce que le bébé soit sauvé. 

« Au bout de 3 semaines de traitement, je remarque une nette évolution. Actuellement son poids est stable et je souhaite qu’il augmente un peu plus vite. »

… et de sensibilisation

La prévention est l’affaire de toutes et tous, partout. Au centre de santé, les femmes qui n’ont pas encore appris à utiliser le bracelet PB, y sont sensibilisées et reçoivent le précieux outil.

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Au centre de santé de Ngueli, Amina, mère de deux enfants, revient d’une démonstration culinaire organisée par les agents de santé communautaires. « Je fais souvent de la bouillie, mais je n’avais jamais vu faire comme ça. Elle est bonne pour les enfants. Si je réussis à acheter tous les ingrédients, je vais en refaire à la maison. »

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« Veiller sur la santé de nos enfants »

Pour Maïmouna Hassan, cultivatrice, les visites des agents de santé communautaires et les sensibilisation ont changé sa vie et sauvé son enfant : « Mon fils souffre depuis la naissance. J’ai reçu le bracelet PB ici, je fais souvent le test à la maison. Mon fils a intégré le programme il y a un mois, et depuis, il reprend un peu des forces. Je prépare la bouillie que j’ai apprise ici. »

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Ce lien entre la population, les agents de santé communautaires et les structures de soins est au cœur de la stratégie communautaire. L’enjeu est crucial à l’approche de la période de pic de la malnutrition, au moment où les greniers sont vides avant la prochaine récolte.

Pour endiguer cette crise croissante de la malnutrition et soutenir les populations vulnérables,  la vigilance et l’action sont affaire collective.

La lutte contre la malnutrition aiguë se passe aussi là : sur le pas de chaque porte du quartier.

Ce projet a été rendu possible grâce au soutien financier de l’Agence française de Développement (AFD).

Crédits photos de cet article : Daniel Beloumou / ALIMA