Sénou, Mali : l’espoir sous les tentes

Sous près de 45°C, les habitants déplacés de Sénou vivent dans de petites tentes et redoutent l’arrivée des pluies. À la périphérie de Bamako, rencontre avec ces familles vulnérables et les équipes qui leur viennent en aide.

À Sénou, ALIMA et son partenaire AMCP-SP (l’Alliance Médicale Contre le Paludisme–Santé Population) interviennent auprès des familles déplacées, principalement originaires de la région de Mopti. Ces familles ont fui les attaques, laissant derrière elles leurs habitations, leurs troupeaux, leurs activités, mais aussi des proches. Grâce à  nos cliniques mobiles, nos équipes apportent des soins médicaux et nutritionnels gratuits et de qualité : prise en charge de la santé, dépistage de la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans, accompagnement en santé mentale pour des populations marquées par de nombreux traumatismes. 

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Vue en hauteur du site de Sénou,  Bamako. Mai 2025. Crédits : Cora Portais / ALIMA

Un site surpeuplé : 3,5 m² pour une famille entière

Selon le service de développement social et de l’économie solidaire sur place, le site de Sénou abrite 1 254 personnes, dont 368 ménages. On y dénombre 411 tentes, de 3,5 m² chacune, pouvant parfois accueillir jusqu’à 5 à 8 personnes, faute d’espace.

Mariam, déracinée, rêve d’un salon et d’indépendance

Mariam Sow, 30 ans, mère de six enfants, vit depuis six ans sur le site de Sénou, après avoir fui son village de Bankass (région de Bandiagara) à cause des violences armées.

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« Je partage une tente de moins de 4 m² avec mon mari et mes 6 enfants, mais nous  bénéficions du soutien de ma belle-mère, également déplacée, qui accueille parfois les enfants pour dormir. »

Son mari, Kalifa Diakaté, ajoute : « Je ne veux pas retourner d’où je viens mais j’aimerais ne plus vivre sur le camp et m’installer en ville, à Bamako. »

Mariam poursuit : « Avant les conflits, mon mari était berger et je tenais une petite boutique. Les attaques ont tout détruit, y compris notre troupeau.»

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Aujourd’hui, elle se reconstruit peu à peu : « Je vends du couscous et du lait caillé sur le camp. Ce n’est pas facile tous les jours, mais je garde espoir. »

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«  Quand tout ça sera terminé, j’aimerais ouvrir un salon de coiffure et de beauté en ville et faire du henné pour les femmes. Je sais déjà tresser même si je dois encore apprendre à faire le henné. »

Des équipes investies, au service de leur communauté

Kanou : « On s’attache très vite aux personnes et à leurs histoires »

Kanou Diarra, 45 ans, mère de six enfants, travaille depuis 2022 comme assistante nutritionnelle pour ALIMA/AMCP-SP. Originaire de Bamako, elle a longtemps été aide-soignante bénévole. : « Quand je vois les enfants avec leur maman, qu’ils sont heureux et en bonne santé, ça me remplit de joie. Je sais que c’est ma vocation ! »

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Portrait de Kanou Diarra (gauche) et d’Oumou Marra (droite), personnel soignant ALIMA/AMCP-SP sur le site. Crédits : Cora Portais / ALIMA

Kanou Diarra mène des activités essentielles sur le camp: dépistage et prise en charge de la malnutrition, sensibilisation à l’hygiène, formation des mères pour détecter les premiers signes de malnutrition chez leurs enfants, distribution d’aliments nutritionnels thérapeutiques, prévention contre le paludisme, accompagnement psycho-social… 

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Séance de sensibilisation menée par Kanou Diarra. Les mères viennent avec leurs enfants et apprennent à détecter les signes de malnutrition grâce au bracelet PB-mères. Certains diagnostiqués en état de malnutrition reçoivent des soins médicaux et des aliments nutritionnels thérapeutiques. Crédits : Cora Portais / ALIMA

Malgré une chaleur parfois extrême, Kanou se rend chaque jour à pied sur le site.

« Même si je suis fatiguée, je marche près d’une heure pour venir ici. Je le fais pour moi, mon travail, ma famille et pour que les personnes déplacées aient accès à des soins décents. »

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Oumou, témoin et actrice de la résilience

Oumou Marra, 26 ans, infirmière diplômée d’Etat, a été  recrutée il y a six mois pour renforcer l’équipe d’ALIMA/AMCP-SP à Sénou.

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« Bien qu’il y ait des difficultés d’accès, surtout en saison des pluies, je me rends chaque jour sur le site en moto-taxi pour assurer les consultations. En tant que Malienne, je bénéficie d’un excellent contact avec les personnes déplacées. Le projet nous permet d’assurer le suivi de la santé des enfants. Plusieurs souffrent de maladies associées à la malnutrition. »

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Oumou souligne les conditions de vie difficiles :

« L’accès aux soins est limité, il manque de l’eau potable, les tentes sont étroites, et les enfants en âge d’aller à l’école doivent être scolarisés. Beaucoup n’ont pas d’acte de naissance. On s’attache vite aux personnes ici et à leurs histoires. »

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Poursuivre l’école et rêver d’un futur meilleur

Parmi les 1 254 personnes présentes sur le site, on compte, selon le service de développement social et de l’économie solidaire, deux fois plus de femmes (317) que d’hommes (167), beaucoup ayant perdu la vie lors des attaques. Le chiffre le plus marquant reste celui des enfants : 770, dont un peu plus de 200 sont scolarisés dans l’école installée sur le site. 

Quatre jeunes filles et leurs rêves

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Dans des allées des tentes, portrait d’Awa (gauche) et Djenaba (droite), amies qui grandissent ensemble sur le site de Sénou. Crédits: Cora Portais / ALIMA

Après avoir visité leurs tentes et rencontré leurs familles, une séance de portraits photos s’improvise avec quatre jeunes filles.

Awa, 13 ans : guérir pour ne plus perdre

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« Je veux devenir médecin, sauver la vie de mes proches et des autres. Je les ai vus nous aider ici et j’aimerais faire pareil. »

Fanta, 13 ans, encore dans l’enfance

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« Je ne sais pas encore vraiment ce que je veux faire. Il me reste du temps pour voir. J’aime passer du temps avec mes amies et qu’on me prenne en photo ».

Khadidja, 13 ans, rêve de politique

Khadija est la grande sœur de Djenaba. Elle vit sur le site de personnes déplacées internes et fait partie des 200 enfants scolarisés sur le site.

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« Je sais déjà que je travaillerai dans la politique. Je veux avoir un impact, écouter les gens et changer les choses. Pourquoi pas commencer comme Maire. »

Djenaba, 11 ans, passionnée par les mathématiques

Djenaba est la petite sœur de Khadija. Elle habite sur le site avec sa mère, sa grande sœur et sa grand-mère qui l’inspire.

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« J’adore l’école et je veux devenir institutrice, pour transmettre ce que je sais aux enfants. Ma matière préférée, c’est les mathématiques. »

Aminata, soutien de ses petites filles

Aminata Bolly , grand-mère de Djenaba et Khadidja, veille chaque jour sur ses petites-filles. Elle refuse qu’elles soient déscolarisées et les motive pour poursuivre leurs rêves et obtenir des diplômes.

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« Je suis là pour les protéger sur le camp. Mon vœux le plus cher est qu’elles soient épanouies et indépendantes. Si l’une veut faire de la politique et l’autre devenir institutrice, elles pourront y arriver si elles restent scolarisées. Elles sont courageuses et intelligentes. »

« J’ai confiance en elles et je crois en leur avenir. Je leur dis tous les jours. Même si cela fait 6 ans que nous vivons dans les tentes, ça ira car rien n’est impossible. »

ALIMA est présente au Mali depuis 2011. En 2024, 154 520 bénéficiaires ont été pris en charge par nos équipes. En partenariat avec AMCP-SP, elles interviennent dans plusieurs domaines: lutte contre la malnutrition, santé des femmes, pédiatrie, lutte contre les épidémies et maladies émergentes, recherche et innovation. La situation humanitaire reste critique, marquée par des conflits armés persistants, des déplacements massifs de population et une crise nutritionnelle sévère.

Ce projet, à travers la clinique mobile sur le site de personnes déplacées internes de Sénou à Bamako a été rendu possible grâce au soutien financier d’AECID (Agence Espagnole pour la Coopération Internationale au Développement).

Photographies et texte : Cora Portais / ALIMA