ALIMA, en partenariat avec l’Inserm / Université de Bordeaux et le ministère de la Santé de l’État de Yobe, mène actuellement un essai clinique innovant pour déterminer si on peut briser ce cycle mortel en combinant le soutien nutritionnel et la vaccination.
« Nous venions chaque mois au centre de santé d’ALIMA pour la vaccination », explique Maimuna, mère d’un enfant de 12 mois. « Nous venions malgré la distance depuis notre domicile. Mais c’était parfois si difficile que j’ai décidé d’arrêter. »
Elle reconnaît que ce n’était pas une bonne décision. « Quand j’ai cessé d’amener ma fille au centre de santé pour la faire vacciner, j’ai remarqué que tandis que les autres enfants jouaient, elle n’avait pas d’énergie. C’est pourquoi nous sommes revenues et avons recommencé à recevoir la pâte d’arachide [SQ-LNS] qu’on nous donne avec les vaccins. » Maimuna a décidé de reprendre les visites et aujourd’hui, elle est fière : sa fille Hauwa déborde d’énergie et court dans tout le quartier.
« Autrefois, je manquais de régularité avec les vaccins, je ne connaissais pas leurs bienfaits. Maintenant que je suis assidue, je reconnais leur importance. »
De l’observation de terrain à l’étude scientifique
Au cœur de cette approche il y a le SQ-LNS — un petit sachet blanc et vert rempli d’une pâte à base de lipides riche en nutriments qui aide à prévenir la malnutrition.
« Au cours de nos activités de distribution du SQ-LNS au Cameroun, nous avons constaté une augmentation spontanée du nombre d’enfants qui se présentaient à la vaccination de routine », explique le Dr Irine Atanga, référente médicale d’ALIMA à Yobe, se remémorant sa précédente mission humanitaire au Cameroun. « Ce constat nous a mené à la question de recherche : “L’incitation par le SQ-LNS pourrait-elle à la fois réduire les formes mortelles de malnutrition chez les enfants et améliorer la couverture vaccinale au sein de la communauté ?” »

ALIMA a décidé de vérifier cette hypothèse. Humanitaires et chercheurs d’ALIMA et de l’Inserm, en partenariat avec le ministère de la Santé, ont lancé en avril 2024 un essai contrôlé randomisé par grappes dans deux zones gouvernementales locales de l’État de Yobe.
Une stratégie capable de transformer la santé infantile
« La malnutrition est très répandue ici — environ 40 % des enfants arrivent dans les structures de santé souffrant de malnutrition aiguë sévère et la plupart n’a reçu aucun vaccin », explique le Dr Baba Goni, directeur médical de l’hôpital universitaire de l’État de Yobe et co-chercheur principal de NutriVax.
« Tout ce qui peut motiver nos concitoyens à amener leurs enfants se faire vacciner s’inscrit dans les objectifs politiques du ministère de la Santé de l’État de Yobe, ainsi que du gouvernement de l’État », insiste-t-il.
« Nous voulons savoir comment encourager les familles à vacciner leurs enfants. C’est une intervention clé. »
Les centres de santé sont répartis aléatoirement en deux groupes :
- Groupe standard : les familles reçoivent les messages sanitaires habituels de sensibilisation à la vaccination et à l’alimentation des nourrissons et jeunes enfants.
- Groupe d’intervention : en plus de ces messages, les enfants âgés de 6 à 23 mois peuvent recevoir des sachets de SQ-LNS chaque mois pendant une période allant jusqu’à 12 mois.


La couverture vaccinale est mesurée avant le début de la distribution de SQ-LNS pour établir une référence, puis de nouveau à la fin de l’essai pour déterminer si le SQ-LNS a amélioré la couverture vaccinale tout en prévenant la malnutrition.
« La distribution de SQ-LNS se fait le même jour que la vaccination de routine », explique le Dr Irine Atanga. « Pour les mères, le SQ-LNS les motive à venir au centre pour faire vacciner leurs enfants. Pour les enfants, l’impact est double : d’une part, le SQ-LNS réduit considérablement les risques de développer des formes mortelles de malnutrition. D’autre part, ils bénéficient d’une couverture vaccinale complète contre tous les antigènes, ce qui les protègent des maladies évitables par la vaccination, comme la rougeole, la poliomyélite et bien d’autres. »

En un an, près de 20 000 enfants ont reçu le supplément nutritionnel SQ-LNS dans le cadre de cette étude.
Les résultats sont attendus d’ici la fin 2025 — et pourraient transformer la manière dont nous protégeons les enfants dans les régions où la forte malnutrition et la faible couverture vaccinale sont une combinaison mortelle.
Les activités du projet NutriVax sont rendues possibles grâce au financement de Gavi, l’Alliance pour les vaccins, et de la Eleanor Crook Foundation (ECF).