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23 juillet 2024

Combattre la fente labio-palatine : l’histoire de Bahané

Bahané, 9 ans, est née avec une fente labio-palatine au Cameroun, subissant rejet et stigmatisation. Après plusieurs échecs chirurgicaux, l’aide d’ALIMA et de l’ALVF-EN a changé sa vie. Découvrez son histoire de résilience et de reconstruction.

Bahané, 9 ans, est née avec une fente labio-palatine. La fente labio-palatine est une anomalie de développement au niveau de la cavité buccale du bébé. Elle survient lorsque des parties de tissus n’ont pas fusionné ou n’ont pas fusionné correctement, ce qui se traduit par l’apparition d’une fissure au niveau du palais.

Rejetées à cause de cela, Bahané et sa mère, Haïssemba, ont traversé un calvaire. Mises à l’écart pour ce qui était perçu comme une malédiction, elles ont même subi des menaces de mort. Après deux opérations ratées, sa mère a entendu parler d’ALIMA et de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF-EN), son partenaire à Maroua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun. Ce fut le début du chemin de reconstruction pour sa fille, afin qu’elle puisse « ressembler à toutes les petites filles du monde ».

Bahame 9 ans victime de labio palatine et sa maman

Bahamé et sa mère, Haïssemba © Daniel Beloumou/ ALIMA

Incompréhension et solitude

« Je m’appelle Haïssemba, je suis mariée et mère de neuf enfants, j’en ai également perdu trois. Mon mari s’appelle Oumarou. Nous vivons avec nos enfants à Moriyo, petit village situé à plus d’une heure de Maroua. Nous avons des revenus modestes, mais nous arrivons à nous nourrir et à envoyer tous nos enfants à l’école.

Je suis ici avec Bahané, neuf ans, à l’école primaire. J’aime tous mes enfants, mais ces dernières années, c’est pour elle que je me suis le plus inquiétée. Elle est née avec une malformation au niveau de la bouche. J’étais choquée. Je n’avais jamais entendu parler, ni vu un bébé ou une personne vivant avec cette malformation. Aucun de ses frères et sœurs n’a eu ce problème.

Mon mari nous a beaucoup soutenues au début, mais je pense que l’avis et la pression de l’entourage ont fini par avoir raison de lui.

Certains lui ont demandé de nous tuer, car nous étions un malheur pour lui. Il a refusé de le faire.

Ce fut très dur car mes proches nous ont rejetées, ma fille et moi, à cause de sa malformation. Ils pensaient que cela était contagieux. Cela m’a beaucoup attristée et isolée. Mais c’était ma fille et, malgré l’incompréhension et la malformation, je l’aimais et je devais me battre pour elle, car elle n’était qu’un bébé. Les conseils et le soutien du personnel médical m’ont vraiment aidée.

D’échec en échec

Ce fut vraiment compliqué au début, Bahané ne tétait pas le sein, elle ne mangeait pas et perdait du poids. Sa situation me rendait très triste. Elle a été opérée deux fois. Deux opérations qui se sont soldées par des échecs. J’ai dû vendre mon champ et mes trois bœufs pour faire face aux frais. La malformation n’était pas réparée et Bahané souffrait toujours.

Depuis un peu plus de deux ans, je travaille avec des femmes de ma communauté ​sur un projet agricole mis en place par des personnes travaillant pour ALVF-EN. C’est ainsi que j’ai commencé à fréquenter l’association. L’an dernier, lorsque la campagne de réparation de malformations a été lancée, je n’ai pas hésité un seul instant. J’ai demandé si Bahané pouvait en bénéficier, la réponse fut positive. Mon plus grand souhait a toujours été que ma fille ressemble à toutes les autres filles du monde.

Le bout du tunnel

Malgré les réunions, la gratuité, les rendez-vous et les préparatifs de l’opération, je n’étais pas vraiment sereine, car les deux opérations qu’elle avait déjà subies se sont soldées par des échecs. Un troisième échec m’aurait fait plus de mal. J’étais stressée à longueur de journée. Deux jours avant l’opération, j’ai arrêté de manger et le jour de l’opération, effectuée à l’hôpital régional de Maroua, un médecin s’est occupé de moi car je ne me sentais pas bien du tout.

J’ai réussi à retrouver le calme après l’opération lorsque j’ai remarqué qu’elle respirait enfin normalement. Je me sentais libérée après huit années de souffrance. Aujourd’hui, elle est guérie.

Elle mange normalement, la nourriture ne lui ressort plus par le nez, sa respiration est normale. Ma fille et moi avançons. Nous avons pardonné à l’entourage, aux familles et à toutes les personnes qui voulaient notre mort.

BAHAME une petite fille de 9 ans victime de labio palatine

Bahamé, 9 ans, victime de labio-palatine © Daniel Beloumou/ ALIMA

La joie retrouvée

Aujourd’hui, j’essaie de rendre ce que j’ai reçu. Lorsque cela est possible, je vais dans des écoles, des hôpitaux, j’assiste à des réunions, des séminaires, etc. De temps en temps, j’y vais avec Bahané afin de sensibiliser sur l’existence de cette maladie.

Je leur montre parfois les images de ma fille avant et après l’opération, car certaines personnes ne me croient pas.

J’ai ainsi appris que trois enfants nés avec cette malformation étaient décédés. Ils sont tous morts, car les parents ont caché la maladie et n’arrivaient pas à les nourrir correctement.

Il m’arrive encore de pleurer en la regardant, car je me souviens du chemin parcouru ensemble. Cela me rend à la fois triste et fière car nous sommes parties de très loin. Cette troisième tentative était notre dernier espoir et nous avons eu raison d’y croire. »
Les malformations comme la fente labio-palatine doivent être traitées en urgence, car il y va de la survie du patient. Grâce au soutien du Centre de Crise et du Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères, ALIMA et ALVF, en partenariat avec l’Hôpital Régional de Maroua, dans l’Extrême-Nord du pays, ont pu offrir des soins chirurgicaux de qualité à 32 enfants atteints de fente labiopalatine et 57 femmes souffrant de fistules obstétricales, depuis 2023.

Cet appui proposé par ALIMA et ALVF fait partie du projet “Assistance médico-chirurgicale et autonomisation des femmes et des enfants de la région de l’Extrême-Nord, affectées par les crises du bassin du Lac Tchad”. Financé par le Centre de crise et de soutien (CDCS) du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères français, ce projet permet d’assurer l’accès gratuit aux soins médico-chirurgicaux à travers la prise en charge des cas de Fistules Obstétricales (FO), de Violences sexuelles (VS), des cas de Fente Labio-palatine (FLP) des enfants, du dépistage du Cancer du col de l’utérus (CCU) et la prise en charge des lésions précancéreuses des femmes.

Photo de couverture © Daniel Beloumou/ ALIMA

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