Peux-tu nous expliquer rapidement qu’est que le PB mères ?
Le PB mères consiste en une mesure du Périmètre Brachial (PB) des enfants de moins de 5 ans par leurs mères ou proches parents afin de dépister le plus tôt possible les premiers signes de malnutrition et commencer ainsi le traitement plus précocement. Une étude pilote menée en 2012 par ALIMA dans le district sanitaire de Mirriah au Niger a montré que sur 12 000 mères, plus de 77% identifiaient correctement le statut nutritionnel de leurs enfants. Un chiffre égal à celui des Relais Communautaires (ReCo) qui pratiquent habituellement ce travail de détection. Il s’agit d’une méthode simple et efficace à mettre en œuvre à travers la formation des mères et des personnes qui s’occupent habituellement des enfants telles que les grands parents, les oncles ou les tantes, ainsi que les jeunes mères et les femmes enceintes. Ces personnes sont en effet les plus à même de détecter les premiers signes de malnutrition. Ce dépistage effectué au sein même de la communauté permet donc une meilleure couverture et une détection plus précoce des cas diminuant ainsi le risque de mortalité lié à la malnutrition dans des contextes où les mères sont impliquées et les ReCo sont souvent dysfonctionnels.
Quels sont les enjeux de l’intégration de la stratégie PB mères dans les programmes de lutte contre la malnutrition au Mali ?
Le Mali, comme beaucoup d’autres pays du Sahel, connait une forte prévalence de la malnutrition. En 2015, on enregistrait un taux de malnutrition globale de 12,4%, dont 9,6% de malnutrition aigüe modérée et 2,8% de malnutrition aigüe sévère. La diminution de la morbidité et de la mortalité liées à la malnutrition est donc un enjeu de santé publique majeur dans le pays. Ici, les ReCo font souvent face à des problèmes structurels rendant difficile le travail de détection de la malnutrition. A ce titre, la diffusion de la stratégie PB mères pourrait générer de réels progrès dans le dépistage précoce de la malnutrition au Mali. Mais il n’existe pas d’approche standard pour apprendre aux mères la mesure du PB. Il faut donc identifier avec nos partenaires sanitaires et humanitaires une stratégie adaptée à chaque zone et en lien avec les objectifs d’intervention de chacun. Par exemple, il convient de déterminer en premier lieu si la stratégie PB mères est un projet indépendant ou bien s’il est couplé à un autre programme (campagne de vaccination, programme d’alimentation complémentaire, Chimioprévention du Paludisme Saisonnier, etc.) et si les formations seront individuelles ou en groupes. La rencontre organisée à Bamako le 1er novembre avec les autorités sanitaires et les partenaires humanitaires est allée dans ce sens et a permis un échange sur la base de l’expérience ALIMA-AMCP. Nous avons ainsi établi un ensemble de recommandations qui sont un pas significatif vers l’adoption de la stratégie PB mères dans les protocoles nationaux de prise en charge de la malnutrition au Mali.
Comment ALIMA-AMCP a mis en œuvre la stratégie PB mères dans ses projets au Mali ?
Depuis 2011, ALIMA travaille aux côtés d’AMCP, une ONG malienne dont le but est d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé et de réduire la mortalité liée au paludisme. En 2015, ALIMA-AMCP a commencé à former les mères dans 8 Unités de Réhabilitation et d’Education Nutritionnelle Intensive (URENI) et pédiatries de 8 Centres de Santé de Référence (CSRef). 6 CSRef se situent dans la région de Koulikoro et 2 dans la région de Tombouctou. Cette année, nous avons encore davantage développé cette activité en commençant la formation des mères à l’échelle communautaire à travers les Unités de Récupération et d’Education Nutritionnelle en Ambulatoire Sévère (URENAS) que nous appuyons dans la région de Koulikoro. Depuis 2015, ALIMA-AMCP a ainsi pu former plus de 10 000 mères au dépistage précoce de la malnutrition et participer ainsi à la réduction de la mortalité des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition au Mali.
Depuis 2011, ALIMA et son partenaire malien AMCP mettent tout en œuvre pour réduire la mortalité infantile liée aux pathologies les plus meurtrières telles que le paludisme, les infections respiratoires aiguës, la diarrhée et la malnutrition. Dans la région de Koulikoro, les équipes soutiennent 111 centres de santé communautaires et 6 centres de santé de référence. Des campagnes de Chimioprévention du Paludisme Saisonnier (CPS) ont également été organisées durant la saison des pluies afin de prévenir l’apparition de cas de paludisme. Au sud du Mali, à Dioila, ALIMA a également ouvert une URENI école (Unité de Réhabilitation Nutritionnelle Intensive) afin de former le personnel de santé malien. Ils apprennent à dépister et à prendre en charge la malnutrition aiguë sévère avec complications. Ce projet a permis de former 276 infirmiers et médecins.
Au nord, dans les districts sanitaires de Diré et Goundam, à proximité de Tombouctou, ALIMA et AMCP appuient 33 centres de santé communautaires et 2 centres de santé de référence, y compris un bloc opératoire, afin d’assurer un accès gratuit aux soins. Dans le district de Goundam, les équipes médicales se déplacent en clinique mobile afin de dispenser des soins et distribuer de l’eau potable aux populations déplacées. En 2015, près de 170 000 consultations, 5 000 hospitalisations, 3 600 accouchements et 522 interventions chirurgicales ont été effectués dans la région de Tombouctou.