Reportage réalisé par TV5 Monde
Kamituga, son centre-ville bondé, ses ruelles poussiéreuses et ses bâtisses faites de bric et de broc. C’est depuis cette cité minière du Sud Kivu que s’est propagée l’épidémie de Mpox en RDC. James Wakilonga, médecin au centre de traitement de Kamituga, se souvient de ce qu’il a constaté il y a un an sur un homme venu consulter à l’hôpital. “Des lésions dermatologiques inhabituelles sur un gérant d’une boîte de nuit d’ici, à Kamituga. Ces lésions-là nous ont vraiment tiqués. Par rapport à la connaissance théorique que nous avions des livres, on a vraiment pensé que c’était la variole du singe.” Un patron de discothèque, possiblement le patient zéro de l’épidémie de Mpox dans la région.
La prostitution, un facteur de propagation
Kamituga est une ville de nuit, la prostitution y est très répandue. Francine témoigne de sa guérison progressive de la maladie : “Je vais pas vous mentir, je sais que j’ai attrapé cette maladie après un acte sexuel avec un homme que je ne connaissais pas. Deux jours après l’acte, j’ai commencé à avoir des douleurs sur les parties génitales, des douleurs qui devenaient vives, et j’ai cherché l’homme en question pour lui dire qu’il avait une infection. Je pensais que c’était juste une infection sexuelle.”
Les travailleuses du sexe en première ligne
Elles seraient des milliers de travailleuses du sexe à Kamituga. Elles ont leur quartier dédié, leur association, leur QG, elles savent qu’elles ont été et sont encore le principal vecteur de propagation du Mpox dans le Sud Kivu. Irène Mabwidi, prostituée, explique leur quotidien face à la maladie :
“Lorsqu’on travaille, on a des préservatifs pour nous protéger du VIH Sida et d’autres infections, mais pour le Mpox, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de protection, parce que le virus passe par la sueur. Lorsque vous rencontrez un homme, vous attrapez la maladie simplement à cause de la sueur.”
Le préservatif est en effet inutile contre le Mpox puisqu’un simple contact de peau à peau suffit à laisser passer le virus. Les symptômes peuvent être bénins : fièvre, courbatures, mais les cas graves peuvent se traduire par des cloques proéminentes et douloureuses sur le visage, les mains, la poitrine et les organes génitaux. Alice, une autre prostituée, confie la peur et la stigmatisation qui entourent la maladie :
“Tout le monde avait peur de cette maladie quand elle est apparue, comme on avait peur du VIH Sida à l’époque, alors aucune fille n’a voulu dire qu’elle était malade. Si je suis contaminée, je me cache pour que les autres ne le sachent pas. Il est donc difficile de savoir combien d’entre nous ont été infectées, mais je pense qu’on est vraiment nombreuses à avoir été malades.”
Beaucoup de prostituées malades ne disent rien de leur état par peur de perdre leurs revenus : elles touchent entre 3000 et 10 000 francs congolais la passe, soit quelques euros. Les professionnels de santé demandent aux autorités locales de fermer les boîtes de nuit et d’indemniser les travailleuses du sexe pour le manque à gagner, avec l’espoir de stopper la propagation du virus. Dally Muamba Kambaji, médecin et responsable de l’ONG ALIMA à Kamituga, souligne l’importance de la vaccination : “Nous avons près de 20 % de patients qui sont des professionnels du sexe ou des personnes qui disent avoir été contaminées après avoir été en contact avec un partenaire occasionnel qui se trouve être un professionnel du sexe. Cette catégorie est assez vulnérable et très exposée, c’est donc important que cette catégorie soit vaccinée.”
Un manque de sensibilisation
La campagne de vaccination a tout juste débuté dans le Nord et le Sud Kivu. Les prostituées font partie des cibles prioritaires. Leurs clients, à Kamituga, sont essentiellement des orpailleurs venus chercher fortune dans ces mines abandonnées, et là, la sensibilisation reste absente. La plupart de ces hommes n’ont aucune idée de ce qu’est la maladie et de comment s’en prémunir.