Haïti : ALIMA face à l’urgence de soigner les expulsés de République dominicaine

Le 2 octobre 2024, le gouvernement dominicain a lancé une campagne d’expulsion de 10 000 immigrés par semaine, touchant en particulier la communauté haïtienne. ALIMA, en soutien au Ministère de la Santé Publique et de la Population d’Haïti, a lancé des opérations pour apporter des soins face aux besoins critiques.

Anse-à-Pitres, petite ville située au sud-est d’Haïti, sur la frontière avec la République dominicaine, est devenue un refuge. Des dizaines de familles y arrivent chaque jour. Forcées de tourner le dos à leur vie, elles arrivent les bras chargés de quelques sacs de fortune. Beaucoup n’ont eu que peu de temps pour rassembler quelques affaires avant d’être emmenées vers la frontière. Parmi ces personnes expulsées, des femmes enceintes, des mères allaitantes, des enfants en bas âge, arrivent épuisés, affaiblis, malades. Et trouvent, du côté haïtien de la frontière, un système de santé qui s’écroule.

Dans certains centres de santé, il n’y a plus rien

Pour être soigné, c’est la roulette russe. Expulsée de République dominicaine à quelques jours du terme de sa grossesse, Marie-Ange* a dû subir la route infernale jusqu’à la frontière. Arrivée à Anse-à-Pitres, elle a été conduite en urgence à l’hôpital de la ville. Son état était critique : le bébé montrait des signes de détresse et sa vie, ainsi que celle de la maman, étaient en danger. Grâce à l’intervention rapide d’ALIMA et d’un gynécologue d’Etat, alors présent dans l’hôpital, la jeune femme a pu être stabilisée et bénéficier d’une césarienne.

« Aujourd’hui, la maman et l’enfant vont bien. »

Dr Ganda, coordinateur médical d’ALIMA en Haïti. 

On peut dire que Marie-Ange a eu de la chance. Car deux semaines plus tard, Guerline*, presqu’à terme elle aussi, est reçue à l’hôpital. Son accouchement se présente mal : l’enfant est trop gros pour sortir par voie basse. Deux semaines seulement, mais déjà le gynécologue du ministère de la Santé n’est plus là. « Dans l’hôpital d’Anse-à-Pitres, il n’y a que 2 sages-femmes pour recevoir toutes les femmes. Il y a bien eu un gynécologue d’Etat pendant quelques semaines, mais il est parti », explique le Dr Ganda.  

L’équipe d’ALIMA a appuyé le transfert de Guerline vers un cabinet privé, où elle a pu être césarisée. Une prise en charge très coûteuse, que sa famille a pu payer, mais inaccessible pour la plupart des personnes expulsées, déjà plongées dans un grand dénuement, et des habitants de la région.

ALIMA, un soutien vital

Depuis son arrivée, ALIMA renforce la capacité de prise en charge obstétricale dans la zone, notamment par le recrutement d’un(e) gynécologue-obstétricien et d’un(e) infirmier(e) anesthésiste, et l’équipement d’une banque de sang fonctionnelle, afin que ce type d’intervention puisse, à terme, être assurée directement à l’hôpital.

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Lors d’une mission d’évaluation menée par ALIMA, constat de l’état de délabrement du dispensaire de Belle-Anse, Sud Est d’Haïti. Décembre 2024.
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Dans la région, les besoins sont immenses. Les soignants qualifiés de l’Etat manquent cruellement. Des structures sanitaires de la région ne fonctionnent plus, les pharmacies sont vides, les salles d’accouchement sous-équipées.

« Certains n’ont pas de médicaments, les équipements sont très limités, il n’y a plus de soignants. Dans certains centres, ils n’ont pour seule solution que d’utiliser l’eau de pluie, faute de système d’adduction. »

Dr Ganda

La crise sécuritaire explosive depuis plusieurs années à Port-au-Prince s’est étendue dans le pays, notamment dans le Sud-Est, qui accueille déjà plus de 100 000 personnes déplacées internes et est marquée par une forte présence de la malnutrition

Face à cette réalité, ALIMA a élargi son action. Déjà présente à Port-au-Prince depuis avril 2024, l’organisation s’est installée dans le Sud-Est en avril 2025. À Anse-à-Pitres, les équipes offrent des soins gratuits aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants de moins de cinq ans, souffrant en particulier de malnutrition, mais aussi un accompagnement psychologique et un soutien psychosocial aux personnes profondément marquées par le déracinement.

Les équipes se tiennent prêtes pour d’autres urgences, car les risques d’épidémies sont réels en cette saison cyclonique, notamment celle du choléra.

Une urgence qui s’aggrave

Derrière les chiffres – plus de 100 000 déplacés internes dans la région, et des milliers d’expulsés qui franchissent la frontière chaque mois – ce sont des histoires comme celles de Marie-Ange qui rappellent l’urgence. Des vies sont en danger dans une zone déjà fragilisée.

Pour ALIMA, le message est clair : un soutien accru est nécessaire pour soutenir ce qu’il reste, reconstruire ce qui n’est plus. Le travail d’ALIMA et du MSPP est essentiel pour éviter que la région ne bascule dans une crise sanitaire majeure.

*Les prénoms ont été changés.

Ce projet est rendu possible grâce au financement humanitaire de l’Union européenne.

Photo de couverture : © ALIMA