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« La lutte contre la malnutrition doit débuter à la maison » : des agents de santé communautaires de Kaita, au Nigeria, montrent comment faire aux mamans

Alors que les taux de malnutrition atteignent des niveaux extrêmes à Katsina, ALIMA poursuit la lutte contre cette maladie en employant des méthodes innovantes pour prévenir la sous-alimentation au sein des communautés locales vulnérables.


L’État de Katsina, dans le nord-ouest du Nigeria, est principalement un état agricole, axé sur la production de coton, de sorgho, de mil et de produits à base d’arachides. L’élevage y est aussi une activité économique importante. Malgré la richesse de ce paysage agricole, la population de Katsina subit d’énormes difficultés économiques. Les attaques des groupes armés non étatiques contre les communautés ont entraîné une chute brutale de l’activité agricole, et un déficit de production alimentaire.

L’un des principaux défis pour la population de Katsina est la malnutrition. Dans les régions du nord-ouest et du nord-est du Nigeria, près de 6 millions d’enfants âgés de 0 à 59 mois continuent de souffrir de malnutrition aiguë, dont 1 623 130 cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) et 4 308 404 cas de malnutrition aiguë modérée (MAM). En outre, 511 890 femmes enceintes et allaitantes souffrent de malnutrition aiguë et ont besoin d’interventions nutritionnelles (Aperçu des Besoins Humanitaires -HNO, 22 mai – 23 avril

Rien que dans l’État de Katsina, selon l’analyse de la malnutrition aiguë du Cadre intégré de Classification de la Sécurité Alimentaire (IPC) mai 2024 – avril 2025, 335 976 enfants de 0 à 59 mois sont touchés par la malnutrition aiguë sévère et ont besoin d’un traitement. ALIMA a traité plus de 40 971 d’entre eux. En plus de fournir des soins, ALIMA se concentre sur le développement de méthodes de prévention indispensables à la réduction de la malnutrition, de la morbidité et de la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, les mères allaitantes et les femmes enceintes dans la région.

ALIMA Nigeria Katsina 2022 Yvonne Etinosa 4

© Etinosa Yvonne / ALIMA

Charité bien ordonnée commence par soi-même

Alors que la situation sécuritaire dans la région continue de se détériorer en raison des attaques menées dans les villages par des groupes armés non étatiques, des milliers de personnes ont fui Katsina en quête de sécurité et d’un avenir meilleur. D’autres, comme les agents de santé Habiba Ibrahim et Amina Abdul-Aziz, sont restées dans l’espoir de mettre à profit leurs compétences pour soutenir leur communauté d’origine. Leurs espoirs se sont concrétisés lorsque ALIMA, ayant débuté son intervention dans la zone gouvernementale de Kaita en partenariat avec le ministère de la santé local, les ont engagées comme agents de santé communautaire au centre de santé polyvalent (CHC) de Kaita.

« La vie à Kaita avant l’intervention d’ALIMA était très difficile à cause du manque de sensibilisation à la santé et à la nutrition, des mauvaises habitudes sanitaires et des faibles revenus. J’aime beaucoup mon travail parce que maintenant je contribue à améliorer le bien-être de ma communauté en apportant mon soutien en matière de santé et de nutrition. »

Amina, 25 ans, est mère de deux enfants et titulaire d’un diplôme en réadaptation sanitaire et sociale. Elle travaille comme agent de santé communautaire au centre de santé de Kaita, qui est soutenu par ALIMA depuis 2022. Elle dit que l’aspect le plus remarquable de son travail est le soutien qu’elle apporte à sa communauté. De plus, en apprenant aux mères à préparer des aliments nutritifs pour leurs enfants, elle améliore ses propres connaissances pour mieux s’occuper des siens. Habiba, l’homologue d’Amina âgée de 40 ans et mère de 6 enfants, trouve que son travail auprès des bénéficiaires est encourageant et a un impact très important.

« Les mères et autres personnes qui s’occupent des enfants se rendent au centre de santé avec un sentiment d’impuissance face à la mauvaise santé de leurs enfants, qui pour la plupart souffrent de malnutrition sévère. Je suis heureuse de jouer un rôle clé pour alléger leur fardeau en fournissant des soins de santé de qualité et en sensibilisant la population aux moyens de prévenir la malnutrition. »

Des initiatives saines, abordables et durables pour lutter contre la malnutrition

Amina et Habiba font partie d’une équipe d’ALIMA dynamique qui contribue à réduire sensiblement le nombre de personnes souffrant de malnutrition au sein de la communauté grâce à des démonstrations culinaires, des conseils personnalisés auprès des familles et des séances de sensibilisation et d’éducation nutritionnelles. Pour prévenir la malnutrition, elles expliquent aux mamans et autres personnes qui s’occupent des enfants comment préparer des repas nutritifs en utilisant des ingrédients disponibles localement à un prix abordable, tels que le maïs, le millet, le sorgho, les fèves de soja et les arachides.

Les démonstrations culinaires qui ont lieu deux fois par semaine non seulement aident les mères à fournir des repas sains et abordables à leurs familles, mais leur apprennent également à le faire de manière autonome. Lors des séances de démonstrations culinaires, les mères reçoivent des informations nutritionnelles, prennent part à des discussions sur les produits alimentaires disponibles et leur utilisation, et préparent et dégustent les aliments ensemble.

Le processus exige que les agents de démonstration comme Amina et Habiba expliquent les étapes nécessaires à la préparation d’un repas nutritif ; par exemple, une bouillie alimentaire complémentaire tel que le Tom Brown (à base de mil ou de sorgho, de graines de soja et d’arachides), une potée de haricots avec du poisson écrasé, des épinards et de l’huile de palme, ou de la patate douce écrasée avec des carottes, du gingembre et de l’huile de palme. Les recettes doivent être accessibles, abordables, préparées dans un environnement hygiénique et garder une teneur élevée en éléments nutritifs afin de répondre aux besoins essentiels d’un enfant à partir de 6 mois encore allaité par sa mère. Tous les ingrédients doivent être achetés dans la communauté pour démontrer l’accessibilité des aliments.

Amina est heureuse que son rêve d’aider les gens se réalise grâce à son travail :

« L’organisation offre un traitement gratuit aux patients, de la nourriture (pendant leur hospitalisation), mais aussi de la motivation, une éducation sanitaire, des opportunités d’emploi et de renforcement des capacités. Qui ne voudrait pas participer à cette noble cause ? »

Quant à Habiba, elle affirme : « Le CHC a énormément contribué dans les domaines de la santé, de la nutrition et des soins maternels, grâce à de fréquentes discussions et formations sur la santé qui contribuent à remodeler les mentalités des populations. »

De septembre 2023 à septembre 2024, sur 79 736 femmes ayant assisté aux séances, 56 954 ont retenu les principaux messages sur la nutrition, et 22 782 participantes les ont intégrés dans leur routine quotidienne.

Ces activités sont rendues possibles grâce au financement généreux des opérations de protection civile et d’aide humanitaire de l’Union européenne (ECHO).

Photo de couverture : © Etinosa Yvonne / ALIMA