Tchad : l’épidémie de choléra s’emballe à la frontière avec le Soudan en plein conflit

Au-delà du conflit qui ravage le Soudan, une autre crise, silencieuse mais meurtrière, se propage désormais dans les pays voisins : le choléra. ALIMA et Alerte Santé, ONG tchadienne partenaire, sont engagées dans la riposte à cette épidémie meurtrière, en soutien au ministère de la Santé du Tchad.

Partie du Darfour, une grave épidémie de choléra s’est propagée au rythme des déplacements des Soudanais en fuite. Depuis début 2025, la bactérie a fait plus d’un millier de morts au Soudan et s’est rapidement propagée dans le pays. Mi-juillet, les premiers cas sont notifiés au Tchad, qui accueille plus d’un million de Soudanais sur son territoire. 

Le choléra s’est installé dans les camps de réfugiés et les villages alentour, là où la vulnérabilité des populations et le manque d’infrastructures sanitaires créent un terrain propice à sa diffusion. Les camps manquent d’eau potable et de latrines ; la défécation à l’air libre est devenue la règle faute d’alternatives, créant un environnement où la bactérie du choléra se transmet en quelques heures.

Des chiffres alarmants

A l’est du pays, près de 100 personnes ont déjà perdu la vie entre le 13 juillet, date de signalement du premier cas suspect au Tchad, et le 30 août. Le taux de létalité est dramatique : à 6,8 %, il est l’un des plus élevés au monde. En tout, plus de 1 400 cas suspects ont été enregistrés dans l’est du pays, dont une grande majorité de femmes. 

Dans le district sanitaire de Chokoyane, principal foyer de l’épidémie, ALIMA apporte des soins d’urgence aux patients touchés dans deux unités de traitement du choléra (UTC). En un mois, 140 personnes touchées ont afflué dans l’UTC de Kouchaguine, dont la capacité est pour l’instant limitée à 15 lits. A Kaoukaou, une centaine de patients ont été soignés depuis mi-août.

« Nous voyons arriver chaque jour de nouveaux patients, et la propagation est extrêmement rapide. Le manque de toilettes, l’eau non potable et les rassemblements lors de cérémonies de mariages ou de baptêmes par exemple, favorisent la transmission. Si nous n’arrivons pas à contenir l’épidémie dans les camps et les villages touchés, elle risque de s’étendre à l’ensemble du pays. »

Dr Samaké, chargé de la réponse d’urgence choléra pour ALIMA dans le district de Chokoyan
Tchad l’épidémie de choléra s’emballe à la frontière avec le Soudan en guerre 2

Une réponse urgente et coordonnée nécessaire

Le choléra sévit au moment où les inondations saisonnières entravent les efforts de réponse sanitaire et aggravent encore le risque de propagation, en contaminant les puits et points d’eau, et en facilitant les déplacements du vibrion cholérique. C’est dire l’urgence d’une réponse d’envergure et coordonnée.

Des campagnes de vaccination ont été lancées par le ministère de la Santé du Tchad, ciblant l’ensemble de la population âgée de plus d’un an. Des milliers de doses de vaccins sont déjà arrivées dans certains centres de santé, mais elles sont encore largement insuffisantes.

La riposte d’une épidémie passe aussi par de grandes campagnes de prévention auprès de la population afin de contenir la propagation de la bactérie.

Tchad l’épidémie de choléra s’emballe à la frontière avec le Soudan en guerre 3

« ALIMA forme des relais communautaires qui profitent des cérémonies et autres moments de rassemblements dans les villages pour sensibiliser sur les bonnes pratiques, comme se laver les mains régulièrement, boire de l’eau potable et non les eaux de ruissellement, utiliser des latrines, consulter un soignant dès l’apparition des premiers symptômes de la maladie, etc. »

Dr Samaké

Une menace régionale

La situation au Tchad n’est pas isolée. Avec les déplacements massifs de réfugiés, des cas de choléra ont aussi été confirmés au Soudan du Sud, et les organisations internationales redoutent une propagation plus large dans toute la région.

A Tawila, dans le Nord Darfour au Soudan, les équipes médicales d’ALIMA sont déjà en première ligne de la riposte. En l’espace d’un mois, elles ont pris en charge plus d’un millier de patients.

« Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas seulement la santé des réfugiés ou des populations frontalières, c’est la capacité de tout le pays, et même de la région, à mettre en place un plan de riposte avec les différents acteurs, qui permette de contenir une épidémie meurtrière. »

Dr Rodrigue Alitanou, Directeur des Opérations d’ALIMA

La riposte d’urgence contre l’épidémie de choléra est menée en consortium avec les organisations non gouvernementales Solidarités internationales et ACTED. Elle est rendue possible grâce au soutien financier du Start Fund.

¹ Le taux de létalité mesure la gravité d’une maladie parmi les personnes qui en sont atteintes. A la différence du taux de mortalité, qui mesure l’impact de la maladie sur l’ensemble d’une population.

Photos : ©ALIMA