Parlez-nous un peu de la situation actuelle dans le nord du Mali.
La situation sécuritaire dans le nord du Mali dépend du district, mais en général, dans les zones où nous intervenons, elle reste très fragile, volatile. A Diré, où ALIMA a sa plus grande base, les choses sont relativement calmes, mais parfois marquées par des combats ou des attaques. Par exemple, il y a eu récemment une confrontation entre des miliciens à Diré et une attaque armée à Bouren Sidi Amar. Il y a parfois des incidents entre des groupes de familles rivales.
A Goundam, l’insécurité est plus fréquente en termes d’incidents et les problèmes sont plus souvent de type criminel, tels que les vols, les détournements de véhicules, les pillages de boutiques, les vols de bétail et les invasions de villages pour voler. Ces types d’incidents ont vraiment un impact sur nos activités car ils réduisent les mouvements de nos équipes qui doivent se rendre chaque jour dans les centres de santé pour apporter leur soutien en prenant soin des patients, en référant les patients à l’hôpital si besoin, en supervisant le personnel ou en approvisionnant les centres. Nous voyons également des affrontements entre des groupes armés dont l’identité est difficile à connaître. Mais le plus grand défi est la présence de groupes radicaux dans la région, qui créent souvent des embuscades contre les forces de sécurité nationales et internationales, en particulier sur la route entre Goundam et Tombouctou.
En général, ces incidents ne ciblent pas ALIMA ni son partenaire malien AMCP. Nos organisations sont bien connues dans le secteur et acceptées par la population. Cependant, ces incidents ont entraîné des afflux de blessés dans les établissements de santé soutenus par ALIMA / AMCP, en particulier dans la salle d’opération et le service chirurgical de Goundam. Nous sommes confrontés à une population fragile, privée, vulnérable à tous les types de maladies.
Pouvez-vous décrire une journée typique au travail?
En tant que chirurgien, je suis comme un pompier prêt à agir en cas d’urgence. Nous rencontrons souvent des patients confrontés à des blessures graves où le pronostic vital est en danger, situations dans lesquelles nous devons faire tous les efforts pour fournir des soins de qualité, malgré nos ressources limitées et nos conditions de travail difficiles.
Les besoins de la population en termes de santé sont de plusieurs types, notamment les soins préventifs, comme l’éducation de la communauté sur les questions de santé, ou les soins curatifs, comme la chirurgie. Les cas d’urgence traumatique que nous voyons sont souvent des blessures liées au conflit, généralement des blessures par balle ou par couteau. Il y a aussi un nombre important de patients qui ont été blessés dans des accidents de voiture. Nous voyons également beaucoup de femmes enceintes qui ont des complications pendant l’accouchement et qui ont besoin de chirurgie obstétricale.
Pour moi, une journée commence toujours par vérifier l’état clinique des patients du service de chirurgie, ainsi que d’autres patients en hospitalisation. Les consultations chirurgicales se déroulent pratiquement tous les jours et n’ont pas d’heures précises. Je suis souvent demandé par divers services pour donner des conseils et évaluer si les patients ont besoin de chirurgie. Je suis dans la salle d’opération presque tous les jours, je supervise diverses urgences qui pourraient nécessiter une intervention chirurgicale à tout moment de la journée ou la nuit.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail?
Être capable de guérir des patients qui risqueraient une mort certaine sans traitement, les aider à retourner dans la société, prévenir les complications qui peuvent être handicapantes, et effectuer des diagnostics précoces, même avec des recours limités, sont parmi mes plus grandes fiertés.
Beaucoup d’histoires de patients m’ont marqué. Par exemple, un enfant de 10 ans atteint de fièvre typhoïde a été admis avec une péritonite aiguë, une urgence mortelle due à une infection de l’abdomen. Il était très sous-alimenté et avait une septicémie sévère. Il a fallu trois interventions chirurgicales et un mois à l’hôpital pour qu’il guérisse complètement. Non seulement il a guéri physiquement, mais il a aussi retrouvé son sourire et sa joie de vivre qu’il avait complètement perdus.
Depuis 2011, ALIMA collabore avec l’Alliance Médicale Contre le Paludisme (AMCP), une ONG malienne dédiée à rendre les soins de santé plus accessibles et à réduire la mortalité liée au paludisme.
Dans le nord du Mali, ALIMA et AMCP soutiennent 35 centres de santé communautaire et deux hôpitaux de district – y compris une salle d’opération – dans les districts de Diré et Goudam dans la région de Tombouctou, offrant un accès gratuit aux soins de santé. Dans le district de Goudam, ALIMA / AMCP a amélioré l’accès à l’eau et à l’assainissement sur deux sites pour les personnes déplacées. Les activités d’ALIMA dans le nord du Mali sont financées par le service de la Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO).
En 2016, plus de 165 000 consultations, 5 500 hospitalisations, 3 600 naissances et 433 interventions chirurgicales ont été enregistrées par ALIMA dans les hôpitaux de district de Diré et Goundam.
Ce projet est en mesure d’aider la population, grâce au financement du département d’aide humanitaire de l’UE (ECHO) et du DFID.
Photo d’illustration : Salle d’opération à Boda, RCA, 2016. © Sam Phelps / ALIMA