Goma, République Démocratique du Congo, 6 février 2025 – Le Forum des ONG Internationales en RDC avertit que les conflits persistants et les déplacements croissants au Nord et au Sud-Kivu poussent la réponse humanitaire à ses limites, exigeant une action immédiate pour assurer la continuité de l’aide.
Alors que le décompte des victimes et des blessés à Goma se poursuit, avec des milliers de morts et de blessés recensés, l’ampleur de la crise dans l’est de la RDC se dévoile. La réponse humanitaire est confrontée à des défis majeurs qui doivent être résolus de toute urgence pour éviter de nouvelles pertes de vies humaines et un désastre sanitaire et humanitaire imminent.
Avant la bataille de Goma, 800 000 personnes déplacées internes (PDI) vivaient dans la ville et ses environs. Ces derniers jours, au moins 500 000 personnes ont à nouveau été déplacées dans le Nord et le Sud-Kivu. Certaines familles seraient en train de retourner dans leur lieu d’origine, tandis que d’autres ont trouvé refuge ailleurs, laissant certains sites complètement vides et d’autres zones surpeuplées.
Les personnes déplacées sont confrontées à des dilemmes impossibles : « Je ne peux pas payer les frais de transport pour rentrer chez moi à Kitshanga. Kitshanga n’est pas sûre, mais la vie ici devient insupportable. Seul Dieu nous protégera », déclare un habitant du camp de Bulengo.
L’incertitude qui entoure les récents déplacements – notamment le lieu de relocalisation des personnes déplacées et les conditions qu’elles y rencontreront – suscite de vives inquiétudes quant au risque pour les familles de se retrouver dans des conditions précaires et instables, avec peu ou pas d’accès à la terre, au logement ou aux services essentiels. Le retour des personnes déplacées doit être sûr, digne et volontaire. Pour celles qui ne peuvent ou ne souhaitent pas retourner sur leur lieu d’origine, des options de relocalisation viables doivent être offertes. Qu’elles quittent les camps ou y restent, toutes les personnes déplacées doivent recevoir le soutien nécessaire pour répondre à leurs besoins immédiats et commencer à reconstruire leur vie.
Les rapports des ONGI signalent des urgences médicales, nutritionnelles et de protection, avec des blessés submergeant des hôpitaux déjà confrontés à une pénurie de carburant, de lits et de personnel médical. Les structures de santé sont encore plus sous pression en raison de l’afflux de victimes de violences et de violations des droits humains, notamment des victimes de violences sexuelles, dont des enfants, ayant besoin des soins médicaux et psychologiques d’urgence. Des épidémies de rougeole, choléra et mpox menacent de plus en plus les communautés déplacées. Les pillages des entrepôts médicaux ont épuisé les stocks critiques, et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement entraînent déjà des pénuries de ressources vitales.
« Nous sommes débordés », déclare le directeur médical d’un hôpital de Goma qui traite déjà des patients atteints de la mpox et où des centaines de personnes gravement blessées sont venues se faire soigner. « Depuis le début des affrontements violents, des milliers de patients à Goma et dans les environs ont besoin de soins urgents. Les moyens médicaux sont insuffisants et les structures de santé manquent de fonds. La pénurie d’eau et les conditions sanitaires déplorables aggravent la situation, des cas de choléra sont suspectés. Sans aide immédiate, cette crise sanitaire pourrait devenir la plus grave depuis trente ans. C’est une catastrophe en devenir. »
En plus de ces défis opérationnels, les humanitaires sont maintenant gravement préoccupés par la question du financement, qui pourrait compromettre la continuité de l’aide humanitaire. En 2024, près de 70 % des
financements attribués à la réponse humanitaire en RDC provenaient des États-Unis. La suspension actuelle des financements américains soulève de vives inquiétudes quant à la capacité de la communauté humanitaire à maintenir cette aide vitale. Une intervention rapide est indispensable pour éviter l’épuisement des stocks essentiels et permettre au personnel des ONG de rester mobilisé. Sans un financement continu, les ressources essentielles seront épuisées en quelques jours, mettant d’innombrables vies en péril.
« Toutes les parties au conflit doivent respecter le droit international humanitaire en garantissant un accès humanitaire sûr et sans restriction – tant pour permettre l’acheminement de l’aide aux populations que pour que celles-ci puissent y accéder. Des mesures d’urgence sont nécessaires pour faciliter les déplacements des travailleurs humanitaires nationaux et internationaux, » déclare Luc Lamprière, directeur du Forum des ONGI en RDC. « Elles doivent également garantir la protection des travailleurs humanitaires, des installations et des convois, afin que l’aide parvienne à ceux qui en ont besoin, sans subir de violences ni d’interférences. »
« Il est essentiel de faciliter les importations et de mettre en œuvre des solutions logistiques urgentes pour éviter une pénurie de ressources vitales, en particulier de médicaments. Un pont aérien d’urgence doit être mis en place sans délai afin de permettre le déploiement de l’aide humanitaire », ajoute Lamprière. « Les bailleurs de fonds doivent agir d’urgence en mobilisant des financements supplémentaires et flexibles pour soutenir les interventions critiques et maintenir le flux d’aide là où elle est le plus nécessaire, alors que les conditions continuent de se détériorer. »
Pour plus d’informations sur ce communiqué, veuillez contacter :
- Anaïs Ogée, Représentante du Forum des ONGI pour l’Est
representant-goma@forumongi-rdc.org - Luc Lamprière, Directeur du Forum des ONGI
representant@forumongi-rdc.org
Le Forum des ONGI en RDC est un organisme indépendant regroupant plus de 124 organisations non gouvernementales internationales (ONGI). Les membres du Forum couvrent toutes les provinces du pays et travaillent dans les secteurs humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix. La plupart des membres du Forum sont activement présents dans l’Est de la RDC, y compris dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Note aux rédacteurs :
- Selon les informations recueillies par les ONGI à Goma, presque tous les camps le long de l’axe de Kanyaruchinya (au nord de Goma) ont été vidés, et on estime qu’environ 60 % des déplacés internes de ces camps se dirigent vers leurs lieux d’origine. En revanche, dans les zones à l’ouest de la ville, 80 % des habitants des camps abandonnés, vidés ou détruits pendant la bataille de Goma sont toujours dans la ville et ses environs, regroupés dans des sites surpeuplés ou hébergés par des familles d’accueil en difficulté.
- Les rapports des agences sur le terrain (UNICEF, OCHA, ONU) font état de graves préoccupations d’ordre médical, nutritionnel et de protection :
- Urgence médicale : Au 1er février 2025, 2 880 blessés ont été recensés, avec des hôpitaux confrontés à de graves pénuries de carburant, de lits et de personnel médical. Plus de 3 000 décès ont été signalés, les morgues étant pleines, nécessitant l’enterrement immédiat des corps identifiés.
- Épidémies : L’augmentation des cas de rougeole, choléra et mpox menace les communautés déplacées, tandis que les centres médicaux peinent à maintenir les approvisionnements essentiels.
- Pillages et perturbations des chaînes d’approvisionnement : Les entrepôts médicaux, y compris ceux soutenant le traitement du choléra et de la mpox, ont été pillés, aggravant les pénuries déjà critiques.
- Risques de protection : Des rapports font état de violences sexuelles généralisées, y compris des cas impliquant des enfants, soulignant la nécessité urgente de services de protection et de soins médicaux.
- Crise de l’éducation : La fermeture de 1 235 écoles depuis le 27 janvier 2025 a perturbé l’éducation d’environ 204 000 enfants à Goma.
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Photo Jospin Mwisha / AFP