En pleine période de pic de fièvre de Lassa, le Nigeria subit de nouvelles flambées épidémiques
Abuja, Nigéria, 27 février 2024 – Le consortium INTEGRATE, une alliance mondiale inédite de chercheurs, d’humanitaires et de professionnels de la santé, lance un essai clinique d’ampleur sur cinq ans pour lutter contre la fièvre hémorragique virale de Lassa. Ce virus tue chaque année des milliers de personnes en Afrique de l’Ouest.
Depuis le 1er janvier 2024, déjà plus de 411 personnes ont été infectées au Nigeria, selon le Centre nigérian de contrôle des maladies. La fièvre de Lassa est une fièvre hémorragique virale similaire à Ebola, dont la période de pic débute chaque année en décembre et dure environ cinq mois.
Une maladie tropicale qui fait des ravages mais reste sous-estimée
« La fièvre de Lassa est un fléau pour les communautés. Les familles perdent leurs moyens de subsistance, les enfants perdent leur mère, vous ne pouvez pas imaginer les pertes et l’impact durable que cause cette maladie qui frappe les populations chaque année », déclare le Pr Sylvanus Okogbenin, l’un des chercheurs principaux d’INTEGRATE et ex-directeur de l’Hôpital universitaire spécialisé d’Irrua, l’un des plus grands centres de traitement de la Fièvre de Lassa au monde, situé au Nigeria.
Chaque année, plus de 900 000 personnes sont infectées par le virus au Bénin, en Guinée, au Libéria, au Nigeria, en Sierra Leone, et au Togo*. Transmise par contact avec des rats ou de personne à personne par les fluides corporels, la fièvre de Lassa est virulente, tuant les personnes infectées dans les 10 jours après l’apparition des symptômes si elles ne sont pas traitées.
« Du fait de son potentiel épidémique, la fièvre de Lassa est l’une des plus grandes menaces pour la santé publique dans la région », explique le Dr Marie Jaspard, coordinatrice du programme CORAL / ALIMA / Inserm sur les maladies infectieuses émergentes, et elle aussi chercheuse principale d’INTEGRATE. « Nous avons urgemment besoin de médicaments plus efficaces pour traiter cette maladie largement ignorée, afin de sauver des vies et d’infléchir son évolution ».
Actuellement, le médicament recommandé pour le traitement de la fièvre de Lassa, la Ribavirine, a des effets secondaires préoccupants et son efficacité est mise en doute.
Une nouvelle alliance mondiale pour lutter contre la fièvre de Lassa
Lancé mi-2023, le consortium international INTEGRATE réunit pendant cinq ans 15 instituts de recherche, établissements de santé et organisations humanitaires, issus de 10 pays d’Afrique de l’Ouest, d’Europe et des Etats-Unis.
Le projet est coordonné par l’ONG médicale humanitaire ALIMA (the Alliance for International Medical Action) et la plateforme CORAL (Alliance pour la recherche clinique et opérationnelle), en collaboration avec l’Institut Bernhard Nocht de médecine tropicale (BNITM) en Allemagne, ainsi que l’Hôpital universitaire spécialisé d’Irrua (ISTH) et le Centre médical fédéral d’Owo (FMCO), les plus grands centres de traitement de la fièvre de Lassa au monde, situés au Nigeria.
INTEGRATE met en place en Afrique de l’Ouest un essai clinique inédit qui vise à identifier les médicaments les plus efficaces pour traiter la fièvre de Lassa. Cet essai va démarrer dans les plus grands centres de traitement de la fièvre de Lassa au monde : l’Hôpital universitaire spécialisé d’Irrua (ISTH) et le Centre médical fédéral d’Owo (FMCO) au Nigeria.La spécificité de cet essai INTEGRATE est qu’il va permettre, en conformité avec les normes éthiques et scientifiques, d’évaluer de nouveaux médicaments au fur et à mesure de leur arrivée sur le marché. Cela permet aux équipes de recherche d’identifier plus efficacement le meilleur traitement.
« A l’Institut Bernhard Nocht nous menons des études sur la fièvre de Lassa depuis plus de 20 ans. La plateforme INTEGRATE est particulièrement innovante car elle permet de soumettre de nouveaux médicaments à l’essai clinique dès qu’ils seront disponibles. On pourra ainsi identifier de manière efficace le meilleur médicament pour passer en phase III et développer un traitement optimal de la fièvre de Lassa », explique le Pr Michael Ramharter, de l’Institut Bernhard Nocht de médecine tropicale – BNITM (Allemagne) et chercheur principal d’INTEGRATE.
Il est prévu d’étendre le programme d’essais cliniques dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, tels que le Libéria, le Bénin et la Guinée, ainsi que sur d’autres sites au Nigeria.
En plus d’évaluer de nouveaux traitements, le consortium INTEGRATE rassemble des chercheurs en sciences sociales, des experts opérationnels et des partenaires locaux qui travaillent avec les communautés. Cette collaboration est essentielle pour lutter contre la désinformation sur les essais cliniques et la fièvre de Lassa, déstigmatiser la maladie et prévenir de futures épidémies.
Le consortium INTEGRATE permettra aussi de renforcer la capacité des centres de recherche et des structures de santé d’Afrique de l’Ouest à traiter les patients atteints de la fièvre de Lassa ; mais aussi de renforcer, sur le long terme, la capacité de la sous-région à mener des recherches sur les maladies émergentes sur le long terme, notamment grâce à l’installation de nouveaux laboratoires et à l’élaboration de formations dédiées.
INTEGRATE est financé par le programme EDCTP3 de l’Union européenne, sous le parrainage de l’ISTH, et coparrainé par l’Inserm / ANRS MIE.
La structure innovante de co-parrainage du consortium INTEGRATE renforce la capacité des institutions africaines à parrainer la recherche clinique. Grâce à ce partenariat, l’ISTH du Nigéria deviendra l’une des rares institutions du continent à pouvoir parrainer des essais cliniques.
________________
CITATIONS:
« En réunissant des instituts de recherche et des établissements médicaux de pointe, la mise en œuvre d’INTEGRATE, toute première plateforme d’essais cliniques en Afrique de l’Ouest, sera essentielle pour faire avancer notre connaissance et notre capacité à traiter et à prévenir la fièvre de Lassa. »
Dr Moumouni Kinda, directeur général d’ALIMA
« L’État d’Ondo est le plus touché par la fièvre de Lassa au Nigéria comme dans le monde entier. Le programme INTEGRATE non seulement aide le Centre médical fédéral d’Owo à éduquer les Nigérians et à travailler avec eux sur la prévention de la fièvre de Lassa, mais il garantit aussi notre participation active à la conduite d’essais cliniques pour développer le meilleur traitement de la fièvre de Lassa au sein de notre communauté. INTEGRATE contribuera à renforcer les capacités d’un grand nombre de nos agents de santé et de nos pharmaciens, dont la plupart n’ont jamais encore participé à un essai clinique. »
Dr Femi Ayodeji, Centre médical fédéral d’Owo (FMCO) au Nigéria
« INTEGRATE est un projet de collaboration mondiale entre le sud et le nord, qui rassemble de nombreuses institutions et parties prenantes d’Afrique de l’Ouest, d’Europe, et d’Amérique du Nord, pour réaliser une plateforme d’essais cliniques primordiale sur la fièvre de Lassa. Cette initiative permettra également à chacun d’être mieux préparé (grâce à des compétences accrues en planification de lutte contre les épidémies) et de mieux résister à la prochaine pandémie.»
Dr Alpha Diallo, ANRS Maladies Infectieuses Émergentes, une agence autonome de l’Inserm (Institut national français de la santé et de la recherche médicale)
________________
Liste complète des institutions partenaires d’INTEGRATE :
ALIMA (The Alliance for International Medical Action); Alex Ekwueme – Federal University Teaching Hospital Abakaliki (AE-FUTHA); ANRS | Maladies infectieuses émergentes; Institut Bernhard Nocht de médecine tropicale (BNITM) ; Centre de Recherche Médicale de Lambaréné (CERMEL) ; Federal Medical Center of Owo (FMCO) ; Fondation pour la Recherche Scientifique (FORS) ; Universität Hamburg (UHAM) ; Unité des maladies infectieuses de l’hôpital Donka ; Irrua Specialist Teaching Hospital (ISTH) ; Médecins Sans Frontières – Centre opérationnel de Bruxelles (MSF-OCB) ; PACCI ; Phebe Hospital ; Université de Bordeaux ; University of Northern California (UNC).
En savoir plus sur la fièvre de Lassa :
La fièvre de Lassa est une fièvre hémorragique virale aiguë. Les symptômes du virus sont la fièvre, la diarrhée, les vomissements, les douleurs abdominales, les maux de gorge et les hémorragies. Elle se transmet généralement aux humains par l’urine ou les excréments infectés du rat Mastomys, ou d’une personne à l’autre par contact avec les fluides corporels d’une personne infectée. Plus de 900 000 personnes sont infectées par le virus de la fièvre de Lassa chaque année au Bénin, en Guinée, au Libéria, au Nigéria, en Sierra Leone et au Togo*. Au Nigéria, le pic de la fièvre de Lassa est enregistré entre décembre et avril. Le pays est frappé par la fièvre de Lassa depuis 50 ans.
À propos d’ALIMA
ALIMA (The Alliance for International Medical Action) est une organisation médicale humanitaire basée à Dakar, au Sénégal, qui sauve des vies depuis 2009 dans des situations d’urgence en Afrique et dans le monde. Le modèle unique d’ALIMA repose sur la création d’alliances et encourage la collaboration entre les soignants locaux, les organisations médicales nationales, et les chercheurs. ALIMA s’efforce de transformer la médecine humanitaire en encourageant la recherche et l’innovation afin d’améliorer les soins et d’aider les communautés à se préparer pour l’avenir. ALIMA a soigné plus de 13 millions de patients dans 15 pays et a lancé plus de 30 projets de recherche, notamment sur la malnutrition, la santé maternelle et infantile, le paludisme, Ébola et la COVID-19. Ces travaux ont été récompensés par plusieurs prix internationaux.
À propos du BNITM
L’institut Bernhard Nocht de médecine tropicale (BNITM) est le plus grand centre allemand de recherche, enseignement, conseil et soins dans le secteur des maladies typiquement tropicales et des maladies infectieuses émergentes. Indépendant, à but non lucratif et bénéficiant d’un statut de fondation de droit public, l’institut est un centre national de référence pour les agents infectieux tropicaux et un centre de coopération de l’OMS pour les arbovirus et les virus de fièvres hémorragiques. Le BNITM est membre de la Communauté Leibniz.
À propos de l’ISTH
L’Irrua Specialist Teaching Hospital (ISTH) est un hôpital universitaire du gouvernement fédéral du Nigéria situé à Irrua, dans l’État d’Edo, au Nigéria. L’ISTH s’engage à devenir un centre d’excellence en matière d’enseignement, de recherche et de service sur les questions de santé dans les communautés rurales et suburbaines, et se concentre sur le traitement et la prévention des fièvres hémorragiques virales, en particulier la fièvre de Lassa.
À propos du FMCO
Le Federal Medical Center of Owo (FMCO), dans l’État d’Ondo, au Nigéria, est l’un des premiers centres médicaux fédéraux du Nigéria, fondé en 1993. Doté d’installations de diagnostic radiologique et d’un laboratoire moléculaire bien équipé, le FMCO est un centre d’excellence dans la gestion des maladies infectieuses telles que la COVID-19 et la fièvre de Lassa.
À propos de l’ANRS | MIE :
L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes est une agence autonome de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Ses missions sont de faciliter, évaluer, coordonner et financer la recherche sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose, et les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes.
À propos de l’Alliance pour la recherche clinique et opérationnelle CORAL :
La plateforme CORAL (Clinical and Operational Research Alliance) a été créée en 2016 par ALIMA, l’INSERM (Institut national de recherche en santé) et le PAC-CI (centre de recherche ivoirien) à la suite de leur collaboration dans la réponse à l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Guinée. L’objectif de cette plateforme est d’allier recherche et action humanitaire afin d’améliorer la qualité des soins apportés aux populations en situation de crise et réduire la mortalité. La plateforme CORAL mène des projets de recherche à la fois sur les maladies infectieuses émergentes et sur la santé de la mère et de l’enfant.
À propos de l’EDCTP3
Le Partenariat des pays européens et des pays en développement sur les essais cliniques (EDCTP) a pour but d’accélérer le développement clinique de technologies de santé nouvelles ou améliorées pour l’identification, le traitement et la prévention des maladies infectieuses négligées et liées à la pauvreté, y compris les maladies (ré)émergentes. Le nouveau programme commun EDCTP3 (GH EDCTP3) s’appuie sur le premier et le deuxième programme EDCTP de partenariat entre l’UE et l’association EDCTP, dont les membres sont plusieurs pays d’Europe et d’Afrique.
*Source: (2021) Basinski AJ, Fichet-Calvet E, Sjodin AR, Varrelman TJ, Remien CH, Layman NC, Bird BH, Wolking DJ, Monagin C, Ghersi BM, Barry PA, Jarvis MA, Gessler PE, Nuismer SL. Bridging the gap: Using reservoir ecology and human serosurveys to estimate Lassa virus spillover in West Africa. PLoS Comput Biol. 2021 Mar 3;17(3):e1008811. doi: 10.1371/journal.pcbi.1008811. PMID: 33657095; PMCID: PMC7959400.
Photo de couverture © Etinosa Yvonne / ALIMA
