Aujourd’hui, en cette Journée Mondiale de l’Alimentation, nous nous trouvons à un tournant critique. Nous* pouvons choisir de maintenir le cap, laissant environ 80% des enfants souffrant de malnutrition aiguë non traités. Ou bien nous pouvons transformer le système et sauver des millions de vies.
Quelles sont les barrières à ce changement ?
Le problème est quadruple :
1- L’approche actuelle pour traiter la malnutrition aiguë sévère est fragmentée et inutilement compliquée avec une différenciation faite entre malnutrition aiguë modérée et malnutrition aiguë sévère qui sont traitées séparément dans des systèmes supervisés par deux agences différentes de l’ONU.
2- Le diagnostic et le traitement de la malnutrition aiguë sévère sont compliqués et limités aux établissements de santé, ce qui signifie que la mère et à ses enfants doivent parcourir de longues distances avant d’avoir accès aux soins vitaux.
3- Le financement du traitement de la malnutrition aiguë n’est pas à la hauteur de l’ampleur de la crise.
4- Les Ministères de la santé nationaux n’accordent souvent pas la priorité aux politiques et aux lignes budgétaires liées à la malnutrition.
Tous les jours, nous rencontrons ces défis dans les pays et les communautés au sein desquels nous travaillons. Une volonté politique et des investissements financiers s’imposent d’urgence pour faire face à ces difficultés.
Nous, groupe d’organisations humanitaires reconnues,travaillant dans certains des endroits les plus difficiles d’accès, appelons les dirigeants mondiaux – des fonctionnaires de l’ONU aux Ministères de la Santé – à accélérer leur action pour la mise en place d’un système de traitement plus efficace, rapide et accessible qui ne laisserait aucun enfant derrière nous.
Le temps est venu d’agir et de rendre des comptes.
En juillet dernier, les dirigeants de l’ensemble du système des Nations Unies ont annoncé qu’ils élaboreraient d’ici à la fin de l’année un Plan d’action mondial contre la malnutrition ainsi qu’une une feuille de route pour lutter contre la malnutrition aiguë.
Il s’agit là d’un premier pas essentiel vers une réforme nécessaire – nous sommes impatients de voir cet engagement se traduire par des mesures concrètes et un traitement adapté.
À moins de deux mois de l’adoption par l’ONU du plan le plus complet de l’histoire récente sur la malnutrition, nous recommandons que ce Plan d’Action Global inclut les engagements suivants:
● Simplifier l’approche thérapeutique actuelle afin que tous les enfants souffrant de malnutrition aiguë – quelle qu’en soit la gravité – soient traités dans un seul et même programme.**
● Élaborer un plan d’action assorti d’un calendrier précis sur la manière dont les Nations Unies passeront à un système de traitement unique, adopté par tous les organismes des Nations Unies, avec un leadership unique responsable d’assurer une surveillance solide dur système mondial.
● Définir une vision et un plan de mise en œuvre clairement articulés sur la manière dont la direction de l’ONU conduira ce changement dans toutes les entités des Nations Unies aux niveaux mondial et national.
● Mettre à jour les directives thérapeutiques de l’OMS d’ici le milieu de l’année 2021 grâce à des efforts coordonnés visant à produire les preuves opérationnelles nécessaires et à fournir une orientation provisoire lorsqu’il existe déjà des preuves relatives au contexte.
● S’engager à promouvoir un meilleur continuum d’approches de soins liant le traitement à la prévention de la malnutrition.
● Ecrire une feuille de route sur la manière dont l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) et les Objectifs de Développement Durable (ODD) comptent atteindre leurs objectifs, en mettant l’accent sur la prise en charge nationale.
● Assurer une mobilisation des ressources suffisante pour assurer le financement nécessaire à la réalisation de l’objectif de lutte contre la malnutrition de l’AMS d’ici 2025 et celui des ODD d’ici 2030, avec “Nutrition pour la Croissance 2020” comme occasion cruciale pour les donateurs et les Etats membres de prendre des engagements.
● S’engager à développer des actions en faveur de la participation de la société civile à l’élaboration et à la mise en œuvre du Plan d’Action Global.
Et parce que nous avons tous une responsabilité, nous sommes prêts à travailler main dans la main afin de s’assurer que le Plan d’Action Global soit ambitieux, limité dans le temps, et propose des mesures concrètes pour faire face aux réalités de la crise; pour tenir les dirigeants responsables des engagements pris; pour continuer à renforcer nos programmes, stratégies, et partenariats qui accordent une grande importance au développement de l’accès aux services curatifs et préventifs; et pour faire valoir auprès des ministères de la Santé que ces solutions doivent être intégrées aux plans et budgets nationaux en santé et nutrition.
Le moment est venu de transformer la bonne volonté en actions concrètes et d’accorder à ce problème de santé négligé l’attention qu’il mérite et les ressources dont il a besoin. Certaines crises mondiales semblent insurmontables. Celle-ci n’en fait pas partie. Alors que nous nous trouvons face à un tournant important, nous savons que nous ne pouvons pas maintenir le cap sans un vrai changement. Nous devons saisir l’occasion offerte par le Plan d’action global pour perturber positivement l’actuel statu quo en matière de lutte contre la malnutrition.
Maintenant est le moment d’agir.
*International Rescue Committee (IRC), World Vision, Save the Children, Eleanor Crook Foundation, Concern Worldwide, Children’s Investment Fund Foundation, Amref Health Africa, The Alliance for International Medical Action (ALIMA), et Action Contre la Faim (ACF).
**Définir un protocole de traitement optimal nécessitera encore des recherches et des preuves additionnels
Photo: Sylvain Cherkaoui / ALIMA
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