C’est au fond d’un couloir, derrière un rideau de haillons, que l’équipe d’ALIMA a découvert Sophia, assise sur un matelas de fortune, son nouveau-né au creux d’un bras. Cela fait déjà quatre mois que la jeune femme a quitté son foyer de Cité Soleil, une commune d’Haïti abritant entre 400 000 et 600 000 habitants qui vivent dans une extrême précarité. Quatre mois qu’elle a fui les violences des gangs pour sauver leurs deux vies.
Depuis plusieurs années, la capitale d’Haïti est ravagée par les violences et la pauvreté. Plus de 310 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, dont la moitié sont des enfants, selon un rapport de l’ONU publié fin janvier 2024. C’est le double de l’année précédente et 15 fois plus qu’en 2021. Plus de 5,5 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire et de protection en 2024, soit près de la moitié de la population1.
Des camps de personnes fuyant les violences s’improvisent dans l’urgence
Sophia est réfugiée dans un camp de personnes qui, comme elle, sont contraintes de quitter leurs biens pour rester en vie. Dans cette école d’une commune du centre de la capitale, 1 700 personnes vivent sans eau potable et essaient tant bien que mal de trouver de quoi manger, depuis que la distribution des repas chauds a été interrompue.
« Des camps s’improvisent dans les écoles désertées. Les familles dorment dans les classes, les cours et les parkings des écoles, sous la pluie. La population nécessite une aide multisectorielle d’urgence », témoigne Isaac Assaraf, responsable de la logistique du service des urgences d’ALIMA, témoin de la situation fin novembre 2023.
Juste avant sa fuite, la jeune maman avait pu bénéficier d’une première consultation prénatale, à 3 mois de grossesse. Depuis, plus rien. Grâce au comité de gestion du camp, Sophia a pu accoucher à l’abri des regards et des intempéries ; une chance. Mais depuis l’accouchement, il y a 8 jours, le petit garçon n’a jamais reçu de soins ; elle non plus.
Sans service public, l’accès aux soins est quasi inexistant
Pour des raisons économique, sécuritaire et géographique, « l’accès aux soins de santé est devenu un privilège pour les habitants », affirme le Dr Rodrigue Alitanou, responsable du service des Urgences chez ALIMA. La majorité des structures de santé sont dysfonctionnelles. « Nous en avons visité plusieurs pendant notre mission exploratoire. Certaines peinent à accueillir quelques patients, d’autres sont complètement fermées. »
Fin novembre 2023, deux jours après la visite de l’équipe d’ALIMA à l’hôpital La Fontaine, dernier hôpital privé de Cité Soleil, l’établissement est attaqué et pillé par un gang. Les patients ont dû être évacués en urgence. Un de moins. Dans le quartier, il ne reste donc que l’hôpital public Chancerelles, où tout manque : eau potable, électricité, équipements, médicaments, personnel…
Un service de néonatologie existe, les couveuses sont là, mais rien ne fonctionne. Le bloc obstétrical n’a pas le matériel nécessaire pour une bonne prise en charge des femmes qui accouchent, les médicaments sont en rupture.
Épidémie de choléra, une urgence sanitaire
Accéder aux patients représente un défi majeur pour tous les acteurs sanitaires, y compris humanitaires, à cause de l’insécurité, mais aussi à cause de la topographie du quartier Cité Soleil. Une seule route permet d’y entrer et d’en sortir, un chemin d’eau bordé d’une véritable déchetterie à ciel ouvert, des amas de détritus dans une eau stagnante, vectrice de maladies. Une épidémie de choléra sévit justement dans la zone.
Experte dans la réponse aux épidémies, ALIMA appuie les autorités locales dans la riposte à cette flambée de choléra qui ne cesse de se répandre. Les équipes vont prendre en charge les patients, apporter des médicaments, former les personnels de santé locaux et mener des campagnes de sensibilisation en s’appuyant sur les relais communautaires pour renforcer l’impact de la riposte.
Outre la riposte à l’épidémie de choléra, des cliniques mobiles dans les sites de déplacés vont permettre d’apporter des soins de santé primaire (soins curatifs, préventifs et promotionnels essentiels) à des personnes vivant dans le plus grand dénuement. Depuis longtemps absents, les soins néonataux et obstétricaux de base et d’urgence seront à nouveau accessibles aux populations déplacées et aux communautés hôtes dans la maternité de l’hôpital de Chancerelles de Cité Soleil.
Fidèle à son modèle d’alliance avec les acteurs locaux, ALIMA travaille en partenariat avec une ONG haïtienne, liant ainsi la puissance de projection et de mobilisation d’une ONG internationale, avec une ONG locale, qui apporte sa connaissance du terrain, des communautés et l’ancrage local.
Cette mission d’urgence en Haïti reflète le cœur de métier et de l’identité d’ALIMA : aller soigner là où plus personne ne va et veiller à l’efficacité de ses actions sur le long terme.
- Chiffres : OCHA, août 2023 ↩︎
Photo de couverture : © ALIMA
