« Les rues étaient jonchées de corps, les blessés arrivaient par dizaines » : un médecin raconte Goma

À Goma, fin janvier 2025, les combats violents ont plongé la ville dans le chaos. ALIMA s’est immédiatement mobilisée, soignant plus de 900 blessés et offrant des soins gratuits à des milliers de civils. Le Dr Alfred Mufungizi, l’un des premiers sur place, témoigne.

Les affrontements qui ont secoué Goma du 26 au 30 janvier 2025 ont engendré une crise humanitaire majeure. ALIMA s’est immédiatement mobilisée, prenant en charge près d’un millier de blessés et assurant des soins gratuits à plusieurs milliers de personnes pendant près de trois mois. Le Dr Alfred Mufungizi se souvient :

« Les rues étaient jonchées de corps. Les blessés arrivaient par dizaines. Malgré les balles qui crépitaient encore, j’ai décidé de me rendre sur le terrain dès le troisième jour des combats. »

Dr Alfred Mufungizi, médecin référent ALIMA à Goma - Photo Serge B. SIKULI
Dr Alfred Mufungizi, médecin référent ALIMA à Goma, est l’un des premiers à avoir répondu à l’urgence en janvier 2025.

Avant la coupure des réseaux GSM, les hôpitaux de Goma lançaient déjà l’alerte face à l’afflux massif de blessés. C’est à l’hôpital Heal Africa qu’ALIMA a lancé sa réponse humanitaire.

Des structures sanitaires dépassées

Pendant les combats, les structures de santé ont été durement affectées : pillages de médicaments, blocages, épuisement des soignants. Certains ont travaillé sans relâche pendant une semaine entière.

« ALIMA a commencé à faire des évaluations dès les premières alertes, alors que les bombes tombaient encore. Nous avons pu nous déployer à temps et sauver des vies »

Dr Mufungizi

L’hôpital Heal Africa était saturé. Les blessés occupaient chaque lit disponible, et les couloirs étaient bondés.

Blessés de guerre hôpital Heal Africa, à Goma - Photo Serge B. SIKULI
Des blessés de guerre attendent leur pansement à l’hôpital Heal Africa, quelques jours après avoir subi une intervention chirurgicale. Depuis début février 2025, ALIMA y soutient neuf blocs opératoires et un service de chirurgie, pour faire face à l’afflux massif.

« Pour se déplacer, il fallait enjamber les blessés allongés à même le sol. C’était difficilement imaginable. »

Face à l’urgence, ALIMA a installé des lits supplémentaires, mobilisé des équipements chirurgicaux, des médicaments et renforcé ses équipes – y compris avec des renforts venus d’autres pays.

« Soigner plus de 900 blessés en deux mois, c’était un travail titanesque »

Une prise en charge globale

L’intervention visait à répondre à l’ensemble des besoins médicaux et humains.  Des ambulances ont été déployées pour transporter les blessés, et des équipes de santé mentale ont apporté un soutien psychologique aux patients et à leurs proches.

« ALIMA a pris en compte tous les aspects de la prise en charge. L’approche était globale, pour une guérison optimale »

Soins, personnel Heal Africa à Goma - Photo Serge B. SIKULI
Lors des soins, les équipes d’ALIMA travaillent en étroite collaboration avec le personnel de Heal Africa, favorisant le transfert de compétences, notamment sur la pose de fixateurs externes.

Soins gratuits pour les populations

L’action d’ALIMA a été étendue à l’hôpital général de Virunga, toujours à Goma. Des milliers de patients y ont été soignés gratuitement : femmes enceintes, enfants, personnes atteintes de pathologies diverses.

Cour de l’hôpital Heal Africa à Goma - Photo Serge B. SIKULI
Dans l’une des cours de l’hôpital Heal Africa, des blessés se reposent en attendant d’être pris en charge. Certains reviennent des salles d’hospitalisation, d’autres sont conduits pour des soins ambulatoires, parfois à moto.

« Le conflit et les pillages ont gravement appauvri la population. Dans ce contexte, la gratuité des soins était indispensable »

Un impact humain majeur

  • 756 blessés soignés en hospitalisation
  • Plusieurs centaines de patients pris en charge en ambulatoire.
  • Plus de 900 personnes soignées au total

« Être utiles, malgré tout. C’est ce qui nous porte. »

Dr Alfred Mufungizi

Qui est le Dr Alfred Mufungizi ?

Originaire du Sud Kivu, en République Démocratique du Congo, le Dr Alfred Mufungizi a étudié à l’Université catholique de Bukavu. Après plusieurs années en clinique, il rejoint ALIMA en 2019, lors de la 9e épidémie d’Ebola. Depuis, il intervient sur de nombreuses situations d’urgence dans son pays. 

Cette intervention s’inscrit dans un projet d’urgence soutenu par l’Union européenne (ECHO).

Photos : © Serge B. SIKULI / ALIMA – Goma, Nord-Kivu, février 2025